Le point de vue de Mathieu Vidard

 
producteur et animateur de l'émission La terre au carré sur France Inter

Espaces naturels n°69 - janvier 2020

Autrement dit

Propos recueillis par Marie-Mélaine Berthelot

L'émission de culture scientifique de France Inter, La tête au carré, est devenue, en septembre 2019, l’émission d’écologie La terre au carré. L'occasion pour Espaces naturels d'interroger le producteur de l'émission.

© Christophe Abramowitz

© Christophe Abramowitz

Que la nature devienne le sujet d'une émission quotidienne sur une station généraliste n'est pas anodin. C'est le signe que le sujet de l’écologie gagne la place publique : les citoyens attendent d'être informés sur le sujet et les médias font le choix de leur en parler. Sans que l'on sache, comme l’oeuf et la poule, qui est à l'origine de quoi. Est-ce grâce à ce genre d'émission que le sujet mobilise de plus en plus ? Ou est-ce qu'on peut dorénavant faire ce genre d'émission parce que les auditeurs y sont prêts ?

En tout état de cause, quand la direction de France Inter a proposé à Mathieu Vidard de passer sur une émission nature et de quitter son émission de sciences, il n'a pas été tout de suite convaincu. « Au premier abord, je me suis dit que l'écologie ne serait pas un sujet assez riche pour tenir une quotidienne. Mais en réfléchissant un peu je me suis rendu compte que c'était extrêmement judicieux. On est dans une période particulière de réflexion sur la transition de nos sociétés. C’est vrai que l'écologie n'intéresse pas tout le monde, en tant que telle. Mais les sujets qu'on peut traiter dans ce thème irriguent tous les champs de la société : l'énergie, l'alimentation, la mode… Pour le choix des sujets de l’émission, on ne s'interdit rien. » Effectivement, quand on voit la variété des sujets abordés dans ce premier trimestre d’émission (lire ci-contre), on comprend que tout le monde pourra y trouver son compte : naturalistes chevronnés, consommateurs, observateurs débutants, usagers en tous genres.

Pourtant, même avec douze ans d’émission de vulgarisation scientifique derrière lui, Mathieu Vidard reconnaît volontiers être encore novice sur le sujet de la conservation de la biodiversité. On sent sa réticence à formuler des opinions personnelles et sa modestie devant les personnes qu’il rencontre grâce à l’émission. A-t-il une opinion sur les actions à mener pour protéger le patrimoine naturel ? « Dès lors que ça rentre au service de la protection du vivant, on ne peut s’opposer. Est-ce qu’il faut sanctuariser ? C’est une autre question. Mais il est sûr qu’il faut mettre en place des interdictions et soutenir la nature par des lieux dédiés. »

UN ENFANT DES VILLES

De même qu’il n’avait pas d’expertise particulière quand il a commencé La tête au carré (lire ci-contre), il ne peut compter que sur son affinité personnelle avec l’écologie pour porter La terre au carré. « Je suis un enfant des villes. J'ai grandi à Nantes. Mais j'ai un lien personnel fort à la nature. D'abord pour avoir fréquenté jeune le bord de mer, mais aussi la montagne, depuis que j'ai travaillé dans les Vosges. J'ai un besoin de nature réel et quotidien. » Il affirme avoir choisi par nécessité un lieu de vie « vert » et avoir un besoin fort de marcher. Parmi les espaces qu’il aime, on trouve le Queyras, les Cévennes, la dune du Pilat ou Arcachon. Il se sent témoin de changements rapides dans ces paysages, qui l’inquiètent. « Je le vois sur la Côte Atlantique ou dans le Marais poitevin. La façon dont l’homme a agi, avec une telle force, est vraiment interpellant. » Devant cet effondrement dont il se sent le témoin, il ne se dit pas inquiet pour la nature. « C’est l’homme qui en est la première victime. La nature va rebondir. Mais ce qui m’affole, c’est qu’on ne réagit pas. Il faudrait changer de politique à l’échelle des États. Cette inertie, c’est ça qui est désespérant. Il nous faut remettre en cause beaucoup de choses, ne serait-ce que les énergies fossiles. Je pense qu’on va passer par des périodes difficiles, et on le sait ! »