La pollution vitesse lumière

 
Le Parc naturel régional du Luberon protège le ciel nocturne
Aménagement - Gouvernance

Matthieu Camps
Parc naturel régional du Luberon

 

La pollution lumineuse, cette présence anormale de lumière artificielle nocturne, a des conséquences sur la faune, la flore, les écosystèmes et même parfois sur la santé humaine. Ayant mis en place une mission économie d’énergie, le Parc du Luberon a découvert les effets de cette gêne lumineuse et cherché à convaincre élus et habitants de la combattre.

Comment freiner l’emploi de globes lumineux, système inefficace et source de fortes nuisances ? Le Parc naturel régional du Luberon, qui veut lutter contre la pollution lumineuse, propose aux communes d’intégrer dans leurs documents d’urbanisme « la nécessité d’éclairer du haut vers le bas et d’utiliser des dispositifs permettant de faire converger les faisceaux lumineux uniquement vers le sol ».
Fait rare, élus et habitants semblent aujourd’hui convaincus de ces dispositions. Ce ne fut pas toujours le cas…
En 2002, en effet, une mission du parc visant les économies d’énergie établit un premier bilan énergétique des communes. Celui-ci laisse apparaître une forte méconnaissance du sujet. Non seulement le poids de l’éclairage public dans le budget des communes représente 36 % de la dépense d’électricité, mais les élus ignorent leur patrimoine éclairage public et le choisissent sans étude préalable.
À cette même période, le parc se rapproche de l’Association nationale pour la protection du ciel nocturne et accueille de nombreux astronomes1. Amateurs et professionnels constatent une dégradation de la qualité du ciel nocturne : on éclaire toujours plus, parfois en dépit du bon sens…
Le parc prend alors conscience qu’il devient urgent d’alerter les élus sur les enjeux énergétiques, financiers et environnementaux de l’éclairage public.

Alerter l’opinion. Courant 2003, des réunions d’information sont menées dans les quatre bassins de vie du parc, pour les élus et techniciens des communes adhérentes. Le message ? Un éclairage mal conçu ou excessif perturbe le bien-être de l’usager, dégrade le paysage nocturne, peut compromettre la mise en valeur d’un patrimoine, la beauté d’un site naturel ou architectural. Il affecte la faune, la flore et les rythmes biologiques.
Et ça marche. Peu à peu, les élus déclarent leur intérêt pour la préservation de la qualité du ciel nocturne. Aussi, ces réunions de sensibilisation sont-elles suivies de réunions présentant des technologies innovantes.
Réunions publiques et presse locale, les habitants sont également informés.
Contrairement à l’idée reçue, beaucoup témoignent que les citoyens n’aspirent pas à toujours plus d’éclairage.

Opérations pilotes. Courant 2004 et 2005, plusieurs réalisations voient alors le jour. Parmi elles, la zone d’activité de la Tour d’Aigues. Le parc contribue à l’élaboration des documents d’appel d’offres. Pour la première fois, ceux-ci intègrent des préoccupations de maîtrise de l’énergie et de protection de l’environnement nocturne.
On notera aussi le choix audacieux de la mairie de Saint-Martin-les-Eaux, installant vingt-et-un lampadaires à diodes électroluminescentes (Leds). L’investissement élevé, trois fois celui d’une solution classique, est compensé par un coût de fonctionnement cinq fois moindre. La lumière produite par ces éclairages se révèle très adaptée aux besoins de nos villages.
En 2006, un diagnostic de l’éclairage public de neuf communes rurales est confié à un bureau d’études. Une base de données répertorie l’intégralité des points lumineux, des simulations possibles permettent de juger de la pertinence de travaux de rénovation et d’évaluer l’impact environnemental de tel ou tel changement.
C’est ainsi que l’on découvre le caractère réversible de cette pollution… et que le parc a inscrit dans sa charte la nécessité de protéger le ciel nocturne.

1. L’observatoire de Haute-Provence du CNRS est implanté à Saint-Michel l’Observatoire, tandis qu’un observatoire amateur fort bien équipé est installé sur les monts de Vaucluse.