Protéger les espaces agricoles et naturels pour l'avenir de l'Humanité
Résister à un système qui vit au-dessus de ses moyens écologiques conduit aussi à réguler un marché qui ne peut de lui-même gérer les ressources naturelles de façon durable.
2015 est l’année internationale des sols. De plus, elle se termine à Paris par la conférence internationale sur le climat. Que d’opportunités pour évoquer l’indispensable protection des espaces naturels. En effet, ces espaces, qui comprennent notamment les terres agricoles1, résultent de multiples interactions entre le sol, le climat et la flore et la faune, remarquées et « ordinaires », connues et inconnues. Ils assurent des fonctions essentielles : ils fournissent plus de 97% de l’alimentation calorique de l’Humanité, et stockent 3 fois plus de carbone que l’atmosphère. En leur absence, l’homo sapiens ne serait tout simplement pas de ce monde. Ces zones de nature sont au coeur des défis de ce siècle : alimentaire, climatique et de la préservation de la biodiversité. Limités, ils constituent un bien commun de l’Humanité.
Depuis 1950, nous sommes entrés dans l’Anthropocène, la première époque géologique au cours de laquelle l’homo sapiens est le premier acteur de l’évolution des sols. L’homo sapiens est aussi le principal acteur du réchauffement climatique comme celui de l’érosion de la biodiversité. En devenant « maître » de l'évolution de la biosphère, l’humanité est au coeur d’une crise écologique majeure. Elle vit au-dessus de ses moyens écologiques.
Sortir de la crise suppose de sortir du déni, de ne pas fuir mais bien de faire face. Nous devons croire ce que nous savons, accepter les limites écologiques de la planète. Sortir de la crise écologique suppose l’arrêt de la destruction de la nature qui nous permet de vivre. La réduction de la consommation de protéines animales, la diminution drastique des gaspillages de « la parcelle à l’assiette » ne suffiront pas pour atteindre l’équilibre alimentaire mondial durable, notamment à cause de la diminution des rendements due au réchauffement climatique. Un terme doit être mis à l’imperméabilisation des terres. Le plus tôt sera le mieux. Tout grignotage supplémentaire local de zones naturelles aggrave le déséquilibre global. Nous sommes donc en déséquilibre local.
L’imperméabilisation des terres arables reporte la pression foncière urbaine sur les prairies permanentes et les autres espaces arborés et naturels.
Sortir de la crise revient aussi à maintenir et à améliorer les caractéristiques des espaces naturels. C’est-à-dire à mettre en oeuvre des modalités de gestion d’un bien commun pour aller vers une agriculture durable, augmenter le carbone des sols et des arbres, maintenir et renforcer la biodiversité, dans un cadre économique équilibré. Nous pouvons alors nous inspirer des travaux d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie 2009, relatifs à la gestion de ressources naturelles fragiles. Il s’agit alors de trouver des règles appropriées de gestion locale des espaces naturels. Une des difficultés est d’établir des systèmes de gestion imbriqués entre différentes échelles géographiques pour passer du local au global et inversement. Les modalités d’attribution et de transfert des droits d’usage (droits des propriétaires, droits des fermiers, contraintes de gestion) et donc la régulation des marchés fonciers doivent être revues, comme celles des contrôles et des résolutions de conflits, entre l’État, les collectivités, les exploitants, les propriétaires, les collectivités locales et les partenaires locaux. Cela revient à remettre en cause le « marché non régulé » comme le meilleur outil d’allocation des ressources naturelles.
Dans un tel contexte, l’expérience des gestionnaires dans la mise au point de modalités de gestion des espaces remarquables constitue une référence, parmi d’autres, pour la gestion d’espaces plus ordinaires mais tout aussi stratégiques du point de vue de l’avenir de l’Humanité.
(1) Dans les POS (plan d’occupation des sols), avant les PLU (plan locaux d’urbanisme), les zones agricoles étaient bien considérées comme des zones naturelles.
NOTA BENE
Les constats avancés ci-dessus, sont documentés dans un article « La question foncière renouvelée » paru, en janvier 2015, dans le Cahier Déméter n°15 : demeter@club-demeter.org