Animateur foncier : pédagogie et passion
Qu'on fasse de l'animation foncière au Conservatoire du littoral ou dans un conservatoire d'espaces naturels, pas de formation spécifique mais un point commun : aimer rencontrer les gens et expliquer inlassablement les valeurs défendues. Les connaissances juridiques, la pression du marché, les formalités administratives, l'évolution des outils informatiques n'arrivent qu'au second plan, même s'ils ont fait beaucoup changer le métier.
« Notre travail, c'est de mettre en application un programme d’acquisitions foncières. On a l'avantage d'être dans le processus du début à la fin, de la stratégie à l'application, » résume Patricia Bigot, de la délégation Manche-Mer du nord du CDL. Effectivement, le rôle de l'animateur foncier est généralement de gérer aussi bien les ventes spontanées (quand le propriétaire vient de lui-même proposer son terrain à la structure), que la prospection et l'exercice du droit de préemption. Suivant le contexte foncier, le travail peut avoir des visages très différents : par exemple, peu d'actes signés, mais de grandes surfaces en Aquitaine, et au contraire beaucoup d'actes et de petites surfaces en Bretagne. « C'est une de nos principales difficultés. Pendant 30 ans, on a acheté tout ce qui pouvait être acquis. Maintenant, il convient de négocier les nombreuses enclaves privées. Plusieurs obstacles rendent difficiles ces acquisitions complémentaires : une opposition farouche, l'identification impossible des propriétaires ou des successions non réglées qui peuvent nécessiter d'envisager la procédure d'expropriation », explique Jocelyne Chapelle, de la délégation Bretagne du CDL. « Ce dont on a besoin, pour faire ce métier, c'est d'être passionné, d'avoir un bon relationnel. Il faut travailler avec conviction pour trouver les mots et convaincre du bienfondé de notre mission. » Et chacun de reconnaître que parler de l'argent et de la propriété des gens, touche quelque chose de profond, d'intime. Les connaissances naturalistes sont alors un vrai repère pour être convainquant. Grâce à ce travail de longue haleine, les actions sont de plus en plus connues et reconnues, au point que des propriétaires viennent d'euxmêmes - une victoire. A contrario, le pas de temps de l'action foncière ne joue pas en faveur de la lisibilité : entre l'achat et l'aménagement, puis, enfin, l'ouverture au public, le message a le temps de se perdre.
Or le contact avec le terrain, c'est justement ce qui s'est un peu perdu ces dernières années. Si les outils informatiques ont permis de nettement simplifier le travail, notamment de cartographie, de base de données, mais aussi d'identification des propriétaires, le corollaire de cette avancée est d'être moins souvent sur le terrain. « Il y a quelques années, avant de lancer une vente, il fallait aller vérifier si c'était bien une roselière ou autre. Maintenant on a la photo aérienne, on superpose, c'est plus simple. Mais il faut avouer qu'il nous arrive d'acheter sur écran, raconte Sylvie Ries, responsable de la contractualisation foncière et agricole au Cen Savoie. »
Au-delà des propriétaires, les acteurs locaux nécessitent pourtant d'être présent : élus des communes et des conseils généraux en particulier. D'autres partenaires peuvent également apporter un appui précieux : notaires, France domaine, Safer et plus récemment, EPF (voir encadrés p.32). « C'est un travail d'équipe, souligne Myriam Moissenot, de la délégation Centre-Atlantique du CDL, en particulier avec les chargés de mission et les élus : quand les communes sont volontaires, ça avance vite ! Nous avons la possibilité de créer nos propres zones de préemption, mais nous ne le faisons pas, pour ne pas nous priver de ces partenariats. » Des partenariats précieux, mais que la conjoncture économique et politique pourrait fragiliser dans les années à venir. Un défi de plus pour les animateurs fonciers, qui auront recours à la seconde de leur qualité après la passion : la faculté à s'adapter.