Financement participatif : les petits ruisseaux...
Que faut-il savoir quand on veut se lancer dans le financement participatif en ligne ? Conseils d'acteurs de la protection de la nature qui ont testé des plates-formes pour rassembler des fonds nécessaires à un projet.
UNE PRÉPARATION MINUTIEUSE
La première chose à faire, quand on veut financer un projet via une plateforme en ligne, c'est de choisir la plate-forme. Les commissions prélevés sont à peu près les mêmes d'un site à l'autre (environ 8 %), il faut donc trouver un autre critère de choix. Ulule, Kisskissbankbank ou Mymajorcompany sont souvent choisis parce qu'ils offrent une grande visibilité. L'avantage des projets environnementaux, et en particulier naturalistes, c'est qu'ils sont encore assez peu nombreux, même sur les grosses plates-formes, ce qui évite qu'ils soient complètement noyés dans le flot des projets. « Pour intéresser le public il faut que la cause soit bien connue », explique Samuel Jolivet. C'était le cas du PNA pollinisateurs, qu'il a financé à hauteur de 12 000 euros sur Kisskissbankbank. Une fois le choix de l'outil fait, il faut prévoir le temps nécessaire pour lancer l'opération. « Il faut se familiariser avec le fonctionnement de la plate-forme, comprendre sa logique, finaliser tous les documents administratifs. Et il faut passer du temps à la conception des textes, des moyens de communication, des contre-parties qui sont proposées aux participants », décrit Dominique Dhervé, directeur du CBN de Brest. Il a récolté 5000 euros sur Ulule pour financer la réintroduction à l'île Maurice d'une plante disparue à l'état naturel. Romain Sordello confirme : « La préparation est assez longue, elle peut être utilisée pour commencer à annoncer à son réseau que la collecte va avoir lieu. » Il a, lui, financé la pose de nichoirs pour la chouette hulotte à Paris sur Kisskissbankbank.
CHOISIR LE MONTANT ET LE DÉLAI
Attention au choix du montant espéré car sur la plupart des sites, quand le montant n'est pas atteint, les dons retournent aux donateurs. Et il n'est en principe pas possible de modifier le montant de l'objectif en cours de route. La moyenne des dons pour ces trois projets évoqués tourne autour de 35 ou 40 euros. Mais les montants peuvent être assez disparates.
Quant aux délais, les sites recommandent de faire court pour garder l'effet dynamique, mais Dominique Dhervé, qui a essayé sur une durée de 6 semaines, conseillerait plutôt d'étendre à 8. Romain Sordello a pris le délai maximum, 90 jours, de même que Pierre Mossant, qui a mené trois projets sur Ulule avec le Cen Auvergne qu'il dirige. Quant à la période sur l'année, bien sûr, elle est aussi importante. Éviter en particulier les congés d'été qui risquent de casser la dynamique.
Attention à bien prévoir les moyens humains nécessaires pour les différentes tâches (pendant et après la collecte). Penser au travail administratif ou comptable qu'il peut y avoir à la suite de la collecte quand il faut, par exemple, fournir à tous les donateurs des certificats fiscaux. Il faut également anticiper que certaines personnes ne veulent pas ou ne peuvent pas utiliser internet et préféreront envoyer des chèques directement à la structure.
ANIMER LA COLLECTE SUR TOUTE LA DURÉE
« Animer, diffuser, buzzer », résume Romain Sordello. En effet, pas de financement participatif sans réseaux sociaux (où l'on utilise d'ailleurs plutôt le terme de crowdfunding). Twitter et Facebook sont les alliés indispensables à une bonne collecte. Rebondir sur des sujets d'actualité, mais aussi sur la préparation du projet, ou encore le bilan de la collecte en cours. « Il faut prévoir des relances régulières, par exemple en tenant au courant de l'avancement de la collecte », propose Pierre Mossant. Un temps certain est à prévoir pour remercier les donateurs, répondre aux mails, poster des actualités, mais aussi suivre les statistiques de la collecte.
Dominique Dhervé tire comme enseignement de la première collecte du CBNB, qu'il ne faut pas trop éparpiller ses forces : « Nous avons fait, dans le doute, une communication tous azimuts. Avec le recul je pense qu'il faut cibler les relais les plus efficaces. Les médias généralistes ne doivent pas mobiliser trop de temps. Les sites web spécialisés, les revues sur la thématique aussi, sont plus efficaces. »
ASSOCIER LES PARTICIPANTS À L'AVENTURE
Le jeu du financement participatif, c'est de proposer des contre-parties aux donateurs. Pour la biodiversité, cela pose question. « Culturellement, on a tendance à penser qu'on cible l'intérêt général, donc la contre-partie c'est une satisfaction morale avant tout. Mais les gens s'attendent effectivement à avoir quelque chose. Même si c'est symbolique, c'est une façon d'être associé à l'aventure », répond Pierre Mossant. Souvent les premiers niveaux de contre-partie font appel à l'humour : « droit de se promener dans l'espace naturel », « un grand merci », « une citation du nom dans une publication »... Plus concrètement, ça peut aussi être une visite accompagnée d'un site, ou un moment de convivialité partagé avec l'équipe de la structure, ou encore, plus matériellement, des produits dérivés (posters, autocollants, publications).
« Ne pas sous-estimer le travail post-campagne », c'est le conseil de Pierre Mossant. Cela consiste à envoyer rapidement les contre-parties d'abord. Mais aussi à faire le bilan de la collecte d'un point de vue statistique. Ce qui permet de tirer les enseignements de l'opération. Enfin, pour surfer sur l'enthousiasme suscité, il ne faut pas oublier de donner des nouvelles du projet. D'ailleurs Pierre Mossant conseille de continuer à donner des nouvelles du projet via la plate-forme car les donateurs continuent de recevoir ce qui est publié. « C'est un bon moyen de garder le lien et cela témoigne du respect qu'on a pour eux », affirme-t-il. Par la même occasion, c'est un moyen de fidéliser, et donc de préparer le terrain pour une future opération...
PROFITER DE L'EFFET BOULE DE NEIGE
Finalement, utiliser une plate-forme de financement participatif, c'est surtout créer une réelle période d'effervescence autour du projet. Que ce soit dans l'équipe de la structure, parmi les bénévoles et adhérents s'il y en a, ou bien dans les cercles de sympathisants au sens large : « une belle aventure humaine pour l'équipe » selon Samuel Jolivet.
Pour les structures habituées à récolter des dons, comme les conservatoires d'espaces naturels, l'intérêt est de toucher des personnes un peu différentes des cercles habituels d'adhérents ou de donateurs. « Pour notre premier projet, on n'avait touché que les cercles habituels, raconte Pierre Mossant. Mais pour les suivants, on s'est rendu compte qu'on avait touché bien au-delà. On a reçu des dons de trois ou quatre fois plus de personnes que par les méthodes traditionnelles. » Pour le CBN, qui n'a pas l'habitude de se tourner vers les dons pour se financer, c'est au contraire l'outil qui lui a permis de tenter ce système de financement qu'il n'aurait peut-être pas tenté autrement. « Dans le cadre de la diversification de nos modes de financement, c'était une bonne solution pour toucher des particuliers », explique Dominique Dhervé.
Outre les dons, l'intérêt est aussi de communiquer. En particulier pour faire connaître son projet. Romain Sordello confirme : « Après tout, si le projet suscite de l'intérêt, que la collecte réussisse ou pas, c'est déjà une plus-value sérieuse pour son avenir. » Mais c'est aussi un bon moyen de susciter de l'intérêt pour sa structure, avec un retour d'image très positif. C'est une façon de s'ancrer dans les outils modernes : augmenter ses abonnés sur les réseaux sociaux, faire venir plus de trafic sur son site internet. Le tout grâce à un côté ludique qui embarque autant les donateurs que les salariés qui se prennent au jeu ensemble.