Introduction

Services écologiques : de quoi parle-t-on ?

 

Espaces naturels n°52 - octobre 2015

Le Dossier

Justine Delangue, comité français de l'UICN

Les grandes notions à connaître, leur origine et leurs limites.

Considérer la protection des écosystèmes non plus comme un frein à l’aménagement du territoire mais comme une opportunité d’un développement à plus long terme.

Considérer la protection des écosystèmes non plus comme un frein à l’aménagement du territoire mais comme une opportunité d’un développement à plus long terme. © smbp

Les services écologiques (ou écosystémiques) sont les bénéfices que l’Homme tire du fonctionnement des écosystèmes. Cette notion met en valeur l’utilité de la nature pour l’Homme et la dépendance de celui-ci vis-à-vis du fonctionnement des écosystèmes. Ceci est particulièrement important dans un contexte où les urbains sont de plus en plus nombreux et se sentent souvent déconnectés de la nature.
Les services écologiques reposent sur le fonctionnement des écosystèmes, c’est-à-dire les processus biologiques, les interactions entre les espèces et leur milieu ainsi que les interactions des espèces entre elles.

C’est le bon fonctionnement des écosystèmes qui garantit la fourniture de ces nombreux services. Cependant, aujourd’hui, de nombreuses menaces pèsent sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes et vont donc impacter les bénéfices dont nous profitons. La figure ci-contre illustre le lien entre ces menaces et le bien-être humain1.

UNE NOTION RÉCENTE

Le concept de service écologique est né en 1997 avec l’article de Constanza publié dans Nature « The value of the world’s ecosystem services and natural capital ». Cette publication avance une valeur de 33 000 milliards de dollars pour 17 services évalués.
Cette approche s’est ensuite largement répandue grâce, notamment, au Millenium Ecosystem Assessment (évaluation des écosystèmes pour le Millénaire, référence p. 23), lancé par l’ONU en 2001, ayant impliqué plus de 1300 experts de 50 pays, et qui a évalué les interactions entre le fonctionnement des écosystèmes et le bien-être social et économique. Ce programme montre notamment que 60 % des services écologiques sont dégradés à l’échelle mondiale alors que 40 % de notre économie reposent sur ces mêmes services.
Dans un second temps, des initiatives d’évaluation économique de ces services se sont développées. En 2010, le TEEB (The Economics of Ecosystem and Biodiversity) estime le coût de l’inaction et de la dégradation des services écologiques à 7 % du PIB mondial par an à l’horizon 2050.
Ces différentes études illustrent l’importance de prendre en compte les services écologiques dans le fonctionnement des sociétés humaines car ils impactent directement et indirectement nos activités socio-économiques.
Plusieurs initiatives internationales, européennes et nationales se sont développées afin de mieux connaître et de mieux intégrer la dépendance des activités et de la vie humaine aux écosystèmes :
• la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), initiée par l’ONU, qui joue un rôle d’interface et de vulgarisation scientifique entre l’expertise scientifique et les gouvernements ; 
• le programme MAES (mapping and assessment of ecosystem and their services) qui vise à cartographier et évaluer les écosystèmes européens et leurs services ; 
• l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) qui s’intéresse à l’état des écosystèmes français et à l’évaluation économique des services rendus.

UN CONCEPT ANTHROPOCENTRÉ QUI A SES LIMITES

Grâce à l’approche « services écologiques », la conservation de la biodiversité, à l’origine centrée sur la protection des espèces et des espaces souvent remarquables, prend en compte de manière croissante la fonctionnalité des écosystèmes ainsi que la biodiversité ordinaire voire même cultivée. Cette approche a également l’avantage d’élargir le public impliqué dans la conservation de la nature et de mieux associer lesacteurs du territoire dans leur diversité (acteurs institutionnels, associatifs, privés) en illustrant en quoi chacun, d’une manière ou d’une autre dépend du maintien des écosystèmes en bon état. La protection des écosystèmes n’est alors plus considérée comme un frein à l’aménagement du territoire mais comme une opportunité d’un développement à plus long terme. En effet, ces démarches illustrent en quoi la gestion des milieux naturels peut influencer et favoriser des activités humaines durables ancrées dans les territoires. Il est cependant important de souligner que le concept de « services écosystémiques » est un concept anthropocentré qui répond à des objectifs de sensibilisation à la biodiversité en soulignant l’intérêt de la conservation de la nature pour l’Homme. Il se veut complémentaire d’une approche bienveillante de protection désintéressée de la nature et s’affranchit de fait des enjeux éthiques liés à la valeur intrinsèque de la biodiversité.

Cette notion peut être interprétée de multiples façons et comporter des dérives comme la marchandisation du vivant ou la spécialisation des espaces. Un des éléments fondamentaux à ne pas oublier lorsque l’on étudie les services écologiques est la multifonctionnalité des écosystèmes. En effet, la mise en valeur de l’ensemble des services fournis par un ou des écosystèmes et non pas la « maximisation » de quelques services intéressants au niveau économique est indispensable à la préservation de la biodiversité. Les activités qui dépendent des services sont donc à développer de façon durable et sans affecter d’autres services écologiques. Il est indispensable de tenir compte des interdépendances entre les différents services.
Les services de régulation sont notamment moins facilement appréhendables et résultent souvent de processus biologiques complexes et peuvent alors être pris en compte de façon marginale.

(1) D’après Diaz S., Fargione J., Chapin F.S. III, Tilman D., Biodiversity loss threatens human well-being. Plos Biology, vol. 4, issu 8, 2006, p. 1300-1305