MÉTHODE

Avant de commencer : intégrer les concepts

 

Espaces naturels n°52 - octobre 2015

Le Dossier

Thibaut Rodriguez, animateur du réseau des gestionnaires LR, et 
Carole Vuillot, doctorante au CEFE/CNRS

Comment l’évaluation économique des services rendus par les écosystèmes peut-elle contribuer à la gestion durable des espaces naturels protégés (ENP) ?

Causse Méjean

Une étude menée en 2012 au sein du Réseau des gestionnaires d’espaces naturels protégés du Languedoc-Roussillon (causse Méjean). © Arnaud Bouissou MEDDE-MLETR 

Dans un contexte où les ENP restent souvent perçus comme générant plus de contraintes que de valeur ajoutée, on peut se demander si approcher les services par une évaluation économique peut servir à une meilleure intégration au sein des territoires. Les gestionnaires sont à la fois curieux et réservés sur cette approche : • Comment appréhendent-ils d’une part les services rendus, d’autre part leur évaluation économique ? • À quels enjeux et attentes cherche-t- on à répondre ? • Quelle faisabilité et mise en oeuvre réelle sont envisageables ? Un groupe de travail composé de partenaires techniques, scientifiques et institutionnels a assuré collectivement le travail sur ces questions : enquêtes auprès des gestionnaires, atelier d’échange d’expériences, études d’opportunité et de faisabilité sur sites pilotes.

ÉLARGIR LE CHAMP DE LA RÉFLEXION ÉCONOMIQUE

Au-delà de l’appropriation du concept de service écosystémique, l’étude a permis de se pencher sur les risques et opportunité associés à l’utilisation de l’évaluation économique de ces services. L’objectif prépondérant exprimé par les gestionnaires est d’appuyer auprès des élus un plaidoyer en faveur de la gestion des sites et de l’intégration de ces derniers au sein des territoires : ceci pré-oriente grandement ce que les gestionnaires peuvent attendre de ces évaluations. C’est ainsi que l’on peut retomber sur des objectifs restreints (l’évaluation des retombées économiques directes) ou trop ambitieux (la recherche d’une « valeur économique totale de la biodiversité » sur un site).

DES OBSTACLES PERÇUS

Par ailleurs, les méthodes d’évaluation sont perçues comme complexes ou manquant de crédibilité. Certains gestionnaires, ne souhaitant pas « y perdre leur âme », situent ces réflexions sur le champ éthique : risque de confusion entre valeur et prix pouvant mener à une marchandisation du service évalué, vision trop utilitariste et anthropocentrée. À cela vient s’ajouter les obstacles liés à la faisabilité technique des méthodes et leur adaptabilité à des contextes particuliers. Enfin, que se passerait-il si l’évaluation était décevante ? La biodiversité fera-t-elle toujours « le poids » ?

DES OPPORTUNITES RÉVÉLÉES

L’évaluation économique est finalement apparue comme une opportunité pour les structures de se poser des questions qui nécessitent de bien définir en amont les objectifs visés (pourquoi évaluer ? quels services ? dans quel contexte ? pour qui ? par qui ? comment ? sur quelle échelle temporelle et spatiale ?), ainsi que l’usage et la communication envisagée des résultats. Ainsi menée, l'évaluation économique pourrait venir en appui de la prise de décision et de la négociation avec d’autres acteurs, plutôt que chercher à définir une valeur économique totale pour un espace (à la fois vide de sens et sujette à des interprétations hasardeuses) ou justifier a posteriori le bien fondé des actions entreprises sur un site…

DES PRÉALABLES À CONSIDÉRER

L’évaluation économique des services n’est donc pas LA solution au chevet de la préservation de la biodiversité mais bien un outil jugé simplificateur et manquant encore d’opérationnalité car coûteux en temps, argent et compétences, mais pouvant être utile dans un objectif précis. En effet, si la nature n’a pas de prix, ne pas protéger ou conserver ses fonctionnalités risque de coûter très cher à la société, en termes monétaire et de bien-être !