Métier

Soigner ses relations et ses compétences

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Le Dossier

MMB

Pour travailler en bonne intelligence, il faut savoir s'écouter, se donner des occasions de dialogue, mais aussi parler le même langage. Un géologue chez un carrier, c'est bien, s'il a un goût appuyé pour la biodiversité, c'est encore mieux. C'est le cas de Nicolas Seignez.

Visite à la carrière d'Hamel

Visite à la carrière d'Hamel. © STB matériaux

COMMENT AVEZ-VOUS DÉVELOPPÉ VOTRE SENSIBILITÉ À LA NATURE ?

J'ai passé mon enfance à la campagne, avec des parents naturalistes. Je me suis passionné très tôt pour la géologie, et j'en ai fait mon métier. J'ai participé jeune à des suivis. La nature et sa protection font vraiment partie de ma vie. J'ai travaillé en laboratoire, mais mon embauche chez un carrier c'était à la fois un retour dans ma région natale, et un retour aux éléments naturels.

EST-CE QUE CE BAGAGE VOUS A PERMIS DE MIEUX TRAVAILLER AVEC LES GESTIONNAIRES D'ESPACES NATURELS OU LES NATURALISTES ?

Quand j'ai rencontré les acteurs sur le terrain, on s'est tout de suite compris, c'est vrai. Il n'y a pas eu de rejet ou de fossé à franchir. Mon objectif était autant de trouver de nouveaux sites d'extraction que de veiller à ce que l'exploitation soit prévue dans les dossiers pour qu'elle se déroule sur le terrain dans de bonnes conditions écologiques.

Dans certains cas, sur le terrain, la situation écologique d'un site peut avoir évolué pendant la durée d'exploitation et le projet de remise en état prévu au départ n'est plus adapté. Il y a quelques années par exemple, on prévoyait de nombreux reboisements parce que la région en est déficitaire. Mais ce n'est parfois pas le plus judicieux. Cela nous a conduit à revoir notre copie sur la sablière d'Hamel en collaboration avec Guillaume Lemoine, naturaliste et écologue à l’Établissement public foncier. Pour prendre ce genre de décision, souvent non obligatoire au sens de la réglementation, il faut avoir sa propre culture naturaliste et des motivations dépassant la simple nécessité de produire des matériaux. Ne pas rester dans son coin et dialoguer avec des spécialistes est une autre condition nécessaire à l'aboutissement d'un projet de révision de la remise en état d'un site. Amateurs ou professionnels de la nature auront un poids essentiel dans l'orientation de nos actions. En contrepartie, leurs avis peuvent vite devenir, pour le profane, une jungle complexe de renseignements. Mon intérêt pour divers domaines de l'écologie est alors d'une grande aide. Il faut aussi parfois décevoir en expliquant l'impossibilité technique, réglementaire ou contractuelle de réaliser certains travaux.

DANS QUELLE MESURE MOBILISEZ-VOUS LES NATURALISTES LOCAUX ?

Je les consulte autant pour leur expertise naturaliste à l'échelle du site concerné que pour leur expertise du territoire. Je me forme moi-même via des sources professionnelles, en autodidacte, mais aussi et surtout à leur contact. Par imprégnation. Au fil du temps, je rencontre les personnes les plus capables de me renseigner, par territoire ou par groupes d'espèces. Par exemple, pour les chiroptères, la Coordination mammalogique du nord de la France est très indiquée. En secteur minier, urbain et de friches, il est possible de s'adresser à l'EPF, qui dispose d'un écologue, ou au CPIE Chaîne des terrils. Pour l'avifaune, le Groupe ornithologique et naturaliste du nord de la France est un bon choix aussi. La société entomologique du Nord ou celle de Picardie sont aussi de bons supports. Nous avons aussi établi des contacts intéressants avec l'OPIE et le Conservatoire des espaces naturels du Nord et du Pas-de-Calais. De ce fait une confiance s'installe.

C'est pourquoi, il nous est arrivé, lorsque le contexte d'installation d'un site en projet est très « naturel », de procéder à une présentation du dossier de demande ICPE * à ce public en amont de l'enquête publique afin d'expliquer notre logique éviter-réduire-compenser et afin de recueillir son avis. Une chose reste absolument nécessaire toutefois dans le cadre de ces relations. Le contact ne doit pas être établi par le carrier dans le but de s'exonérer des étapes obligatoires qu'il doit lui-même financer, c'est-à-dire, l'inventaire faune flore initial du projet. Cette condition respectée, tout est possible et surtout le meilleur. Chez STB matériaux, le projet de renaturation de la sablière d'Hamel en faveur des hyménoptères est un bel exemple de collaboration entre, notamment, un industriel, l'EPF Nord-Pas-de-Calais et les naturalistes associés.

(*) Installations Classées Pour l'Environnement