Échange expert contre terrain d'étude

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Le Dossier

Blanche Gomez, SUEZ
Olivier Delzons, MNHN

La collaboration entre Suez environnement* et le MNHN a concrétisé les intérêts communs portés par les experts scientifiques et le monde industriel.. Une opportunité de co-construire pour faire avancer l'application de la recherche et l’efficacité des projets mis en œuvre

Quand installation de stockage de déchets rime avec préservation de la biodiversité

Quand installation de stockage de déchets rime avec préservation de la biodiversité © Franck Le Bloch, ECOSPHERE

Partageant le constat de l’importance de la biodiversité, Suez environnement et le Muséum se sont associés en 2008 pour élaborer la démarche de préservation de la biodiversité sur les sites de traitement et de valorisation de déchets. Pour être efficace, ce partenariat a nécessité de s’accorder sur un langage commun, l’adéquation des objectifs et la temporalité des actions. En effet, les intérêts des uns et des autres sont parfois contradictoires, tiraillés entre réalisme économique, contraintes réglementaires, rigueur académique et caractère imprévisible du vivant. Quand d’un côté, les industriels souhaitent souvent atteindre rapidement leurs objectifs, avec des réponses claires et définitives, de l’autre, l’élaboration d’outils et de réponses par les écologues nécessite souvent un temps plus long, intégrant nécessairement une part d’incertitude. La présence de personnes situées à l’interface entre monde scientifique et industriel a permis de maintenir un dialogue permanent et parfois recourir à des compromis partagés, tout en restant vigilants quant aux objectifs initiaux.

Pour autant, la confiance mutuelle au sein de ce partenariat a porté ses fruits et les réussites partagées apportent satisfaction à tous. Pour SUEZ environnement, c'est l'assurance d’être accompagné dans la protection de la biodiversité par des experts scientifiques de qualité et de référence, notamment dans son engagement reconnu à la SNB ayant pour objectifs de : développer des outils pour mieux prendre en compte la biodiversité ; améliorer l’intégration des sites dans leur environnement ; et sensibiliser l’ensemble des collaborateurs et des parties prenantes. Cette collaboration lui a ainsi permis de mieux connaître la biodiversité présente sur ses sites, d’adapter les mesures de gestion opérationnelle au sein de plans d’actions en faveur de la biodiversité et d’en évaluer l’efficacité grâce un outil applicable à l’échelle nationale, l’Indicateur de Qualité Ecologique (IQE) développé dès 2010. Cet indicateur multi-critères standardisé (méthodologie publiée en 2013** par le SPN) nécessite six jours d’inventaires de terrain, et a été déployé sur plus de 50 sites du Groupe. Reposant sur trois grands critères, la patrimonialité des espèces et des habitats, la fonctionnalité écologique, à l’échelle du site comme à l’échelle du paysage, et la diversité des habitats et des espèces, l’IQE permet de brosser à grands traits un diagnostic écologique d’un site, dans son ensemble. Pour le SPN, c'est l’opportunité d'étendre son terrain d'étude en intégrant mieux dans ses réflexions sur la conservation de la biodiversité, les problématiques qui se posent aux industriels et de bénéficier également du temps nécessaire à la mise en application de ses travaux scientifiques, que ce soit au travers du développement d’indicateurs ou de méthodologies visant évaluer l’état de la biodiversité. Cette collaboration est également une source de contribution au SINP par l’organisation de la remontée de données naturalistes. D’autres études sont également menées : rédaction d’un guide interne sur l’aménagement et la gestion écologiques des installations de stockage de déchets, synthèse scientifique et socio-économique des retours d’expérience des mesures volontaires mises en œuvre sur les sites…

Il apparaît donc que la confrontation régulière des attentes entre monde industriel et monde scientifique favorise la prise en compte opérationnelle de la biodiversité et peut être une véritable source d’innovation. Dans cet esprit, la communauté de pratiques de l’IQE instituée en 2015 vise à mettre en synergie différents industriels et praticiens naturalistes de terrain, afin d’en garantir un usage correct et que chacun puisse contribuer à la réflexion autour de cet indicateur.

 

*SITA France et toutes les marques du groupe portent désormais la marque SUEZ environnement.

** Delzons, O., Gourdain, P., Siblet, J.P., Touroult, J., Herard K., Poncet, L. (2013) L’IQE : un indicateur de biodiversité multi-usages pour les sites aménagés ou à aménager. Rev. Ecol. (Terre Vie), vol 68. P. 105-119.