Convention

Négocier pour préserver la ressource

 

Espaces naturels n°51 - juillet 2015

Le Dossier

Marie-Mélaine Berthelot

Dans les Vosges, se trouve un site prisé de cueillette de l'arnica. 150 ha autant convoités par les laboratoires pharmaceutiques qu'impactés par les pratiques agricoles. Le PNR des Ballons des Vosges est parvenu à concilier les intérêts apparemment divergents des acteurs, pour protéger cette plante indicatrice d'un bon état de conservation.

Arnica en fleur au Markstein

Arnica en fleur au Markstein. © PNRBV / Fabien DUPONT

Utiliser des produits de la nature, d'accord, mais sous quelles conditions ? L'arnica conjugue plusieurs difficultés pour les laboratoires pharmaceutiques : elle ne se cultive pas bien, elle est très localisée, et très liée à la préservation de son milieu. Bref, si on veut pouvoir la cueillir encore longtemps, et donc maintenir l'activité économique, il faut mettre en place une cueillette raisonnée. C'est le PNR des Ballons des Vosges qui a petit à petit coordonné les opérations en lien constant avec le département des Vosges.

Les laboratoires intéressés sont sensibles au respect de la nature et sont demandeurs. Weleda, Boiron et d'autres, viennent dans les Vosges cueillir l'arnica à plus de 1000 m d'altitude. « Cette convention va dans le sens de nos valeurs, qui sont de respecter au maximum la nature. Quand nous pouvons cultiver, c'est en bio, voire en biodynamie. Pour l'arnica, nous ne cueillons que ce qui est nécessaire, » affirme Denis Graeffly de Weleda.

« Le PNR a été mandaté pour coordonner les acteurs concernés : les communes propriétaires des terrains, les agriculteurs qui utilisent les pâturages, les cueilleurs, les laboratoires, » explique Fabien Dupont, chargé de mission Natura 2000 au PNR des Ballons des Vosges. Face à la réduction de la ressource, il a d'abord fallu identifier les facteurs négatifs. Les études sur l'impact de la cueillette sont toujours en cours, avec notamment un suivi écologique financé par le commissariat de massif, les régions Alsace et Lorraine, mais aussi les laboratoires. Les conclusions générales déjà connues sont que la population d'arnica n'aime ni le chaulage, ni l'abandon, ni la fertilisation. Il faut permettre aux agriculteurs de faire pâturer les bêtes sur les terrains, mais pas avant la cueillette, sous peine de voir la récolte piétinée. Il faut également retarder la fauche, et dans le même temps les convaincre de ne pas amender les sols.

« La carotte, c'est la mesure agri-environnementale, car cette préservation du milieu n'a pas de plus-value sur la quantité de fourrage, » concède Fabien Dupont. Du côté des cueilleurs, il faut aussi faire en sorte que la végétation puisse se renouveler, et donc se mettre d'accord sur un maximum collectif de prélèvement. Cela signifie de la concertation (plusieurs réunions par an), mais aussi de la surveillance. Les cueilleurs sont sélectionnés et s'engagent à respecter des bonnes pratiques définies en commun. La réunion de pré-cueillette (très concentrée dans l'année à quelques semaine en juin), permet d'évaluer la quantité raisonnable que chacun pourra prélever, et, éventuellement, d'autoriser de nouveaux cueilleurs à participer. Le PNR réussit ainsi à concilier bon état de conservation et ressources économiques parfois contradictoires entre l'agriculture, le tourisme et les laboratoires.