Les espaces naturels, prêts pour le télétravail ?
Alors que des employeurs s'investissent dans le bien-être au travail, dans de nombreux secteurs professionnels, ils développent le télétravail. Les espaces naturels sont-ils concernés ? Dans quelle mesure ? Réponse de quelques structures des réseaux de la protection de la nature qui l'ont mis en place.
Les motivations pour mettre en place le télétravail dans sa structure sont souvent liées au bien-être du travailleur, à une meilleure articulation vie professionnelle, vie familiale. Diminuer les déplacements, c'est gagner du temps pour soi, et diminuer les risques (fatigue, accident) qui y sont liés. Dans les espaces naturels, vient s'ajouter, souvent même en priorité, l'idée de réduire son empreinte carbone. C'est le cas du PNR Loire-Anjou-Touraine, qui a même inscrit le télétravail comme une des mesures de son agenda 21 et de son plan climat.
PLUS DE CONFORT, MOINS D'IMPACT
Le Département de l'Isère confirme : « le télétravail a été proposé par la collectivité pour réduire les trajets, donc les accidents, et l'empreinte écologique. C'est un pacte gagnant car quand on se sent mieux, on gagne en productivité », résume Lucile Combaluzier, chargée de mission à la direction des ressources humaines. Dans la fonction publique d'état, les choses se mettent aussi en place.
L'ONCFS signera ses premières conventions de télétravail cet automne. « Le décret d’application sur le télétravail dans la fonction publique n'est pas publié mais certains ministères ont mis en place des expérimentations encadrées par des textes validés dans les instances de concertation, dont celui de l'écologie », précise Frédérique Lecocq, chargée du dossier à l'ONCFS.
DES MODALITÉS À LA CARTE
Toutes les structures, de par leur statut, mais aussi leurs missions, ne sont pas égales devant le télétravail. Certaines sont d'ailleurs, de fait, dans une situation d'éloignement des travailleurs et cherchent plutôt à multiplier les lieux et les moments de rencontres que le contraire. Mais pour les autres, la demande sera d'autant plus forte si les déplacements professionnels sont nombreux, et si le territoire couvert est grand (pour les activités et pour les lieux d'habitations des salariés).
Ce qu'il ressort des expériences menées, c'est que chaque établissement peut trouver son modus vivendi en établissant une stratégie collective. En général, il est préconisé de limiter l'isolement des travailleurs en fixant par exemple un maximum pour la durée hebdomadaire. « La plupart des télétravailleurs chez nous fait un jour par semaine à deux jours par mois chez lui », explique Lucile Combaluzier. Même problématique à l'ONCFS où il est rendu obligatoire de se trouver deux jours par semaine au minimum sur site pour garder un lien social. Au PNR Loire-Anjou, la durée hebdomadaire a été mise en regard de l'éligibilité des postes : la direction voulait que la possibilité de télétravailler soit ouverte à tous équitablement. « Notre charte autorise deux jours par mois, qui peuvent se prendre par demi-journée ou se cumuler. Mais nous sommes dans une logique d’équité entre les agents. Chacun doit pouvoir trouver une tâche qui convient au télétravail. Pour les agents d'accueil, par exemple, ça peut être de la saisie », affirme Pascal Queniot, directeur du PNR.
Pour les horaires, il semble que le consensus se fasse autour de la pratique des horaires « normaux ». Pas d'heures supplémentaires, ni de report. Pas d'horaires décalés. Certains mettent en place une surveillance du travail fourni, avec un objectif concret pour la journée en question. Mais en pratique, il s'avère que ce sont surtout les cadres qui sont concernés par le télétravail, donc des personnes à qui on laisse une certaine latitude dans la programmation du travail. « Par nature, les activités des personnels dont la présence sur site (surveillance, contrôle, gestion) est requise sont inéligibles.
Ce n'est pas possible non plus pour les personnes qui travaillent sur des fichiers et documents confidentiels ni pour les managers, dans la mesure où on leur demande d'être proches de leurs équipes. Donc finalement, le télétravail n’est pas toujours compatible avec les missions, la fonction managériale. Le volume de tâches à faire en télétravail chaque semaine doit également être suffisant. Par ailleurs, cela ne doit pas altérer l'efficacité », selon Frédérique Lecocq. En période de réduction des effectifs, il faut veiller à ce que la nouvelle organisation ne se traduise pas par un report de charge sur le reste de l'équipe. L'ONCFS a également fixé, comme le ministère chargé de l’Écologie, une condition de présence de plus de deux ans pour ne pas mettre en difficulté un agent qui n'a pas encore pris ses marques ou acquis toutes les compétences requises.
Les droits et les devoirs doivent être les mêmes qu'en travail sur site. Certaines structures, comme le ministère, exigent un certificat de conformité de l'installation électrique ou le passage d'un conseiller de prévention au domicile pour vérifier que les conditions sont réunies. D'autres se contentent de déclarations sur l'honneur du salarié après un entretien avec le supérieur hiérarchique. La législation permet également, dans le privé, un dédommagement financier pour l'usage des locaux personnels ou du matériel personnel. Le matériel est par contre systématiquement fourni. Les formalités pour devenir télétravailleur ne sont pas encore stabilisées dans les structures, qui sont encore pour la plupart en période d'expérimentation. Les chartes mettent parfois en place un système d'avenant au contrat de travail. Le PNR Loire-Anjou a fait plus simple : le télétravail est un droit précisé dans le réglement. Les salariés font la demande au coup par coup à leur supérieur.
« L'informatique vérifie que le matériel convient et donne les limites d'usage. Le chef de service donne l'autorisation si la tâche prévue est adéquate. On fait confiance aux agents, on n'est pas là pour se surveiller. C'est hyper simple, » souligne Pascal Queniot.
LE JUSTE ÉQUILIBRE
La négociation de ces modalités se fait en concertation avec les représentants des personnels. La discussion a souvent eu lieu en groupe de travail avec les responsables des ressources humaines pour trouver l'équilibre entre souplesse et rigueur, avant de présenter le dossier dans les instances de concertation (CHSCT, comité technique). Garder à l'esprit la protection des droits, c'est penser à la fatigue évitée. Attention, en augmentant le confort de quelques uns, à ne pas rompre l'équité entre les personnels. Le télétravail n'est pas encore entré dans les moeurs des espaces naturels. Le nombre de personnes concernées reste encore assez réduit : 110 sur plus de 4500 au conseil départemental de l'Isère, une dizaine à l'ONCFS sur 1500. La pratique n'est pas encore assez ancienne pour donner lieu à des bilans chiffrés, mais le ressenti est souvent positif. « On cherche à faire un bilan objectif de la mesure. On ne l'a pas encore, mais les retours sont très bons.
La plupart des départements de France le proposent maintenant, raconte Lucile Combaluzier. « Je suis convaincue que la crainte a priori des managers, que les télétravailleurs travaillent moins ou fassent autre chose, est infondée, notamment par la confiance accordée. » Point de vue confirmé par Pascal Queniot. Il le voit chez ses cadres : c'est une façon de s'isoler une journée ou une demi-journée pour travailler un dossier au calme. Depuis deux ans que la charte s'applique, il confirme que c'est une façon d'être plus productif pour certaines tâches.
On peut y voir aussi une façon de prendre du recul sur les processus : le télétravail révèle des améliorations possibles dans les procédures informatiques ou les outils. C'est une façon de s'améliorer collectivement sur ce plan. Une certaine souplesse mériterait en tout cas de faire son chemin dans les structures, sous le nom de télétravail ou non. Il existe déjà des formules liées à des cas particuliers : en cas de handicap, de maladie, ou de malaise social à régler, le télétravail peut être proposé comme solution temporaire.