Collaboration

Un oeil neuf sur le territoire

 
Le Dossier

MMB

Un événement national de l'art contemporain, le Voyage à Nantes, s'est déroulé en partie sur un espace naturel pendant plusieurs années. La LPO, comme d'autres gestionnaires, y a été associée. Quel est l'intérêt pour un espace naturel de participer à ce genre de manifestation ?

Serpent d'océan (oeuvre située à Saint-Brévin-les-Pins), par l'artiste Ping.

Serpent d'océan (oeuvre située à Saint-Brévin-les-Pins), par l'artiste Ping. © Erwan Balança

Sa première rencontre avec des artistes, Franck Latraube, chargé de mission à la LPO, l'a faite dans des roselières. « Je comptais des oiseaux. J'étais couvert de boue. Je vois arriver des hommes en bottes, visiblement pas habitués. On n'y voit jamais personne. Ils étaient contents de croiser quelqu'un. » Ils venaient pour repérer des sites pour lancer le Voyage à Nantes, la biennale maintenant bien connue. Mais à l'époque, en 2007, ses premières impressions sont partagées, c'est le moins que l'on puisse dire.

À l'image des associations naturalistes, il n'a pas franchement adhéré au projet de canard gonflable géant (60 mètres de haut quand même !). Puis, au fil dutemps, les gestionnaires d'espaces naturels (LPO, Conservatoire du littoral) ont été associés pour ce qui concerne les installations dans l'estuaire. « Un travail fastidieux mais indispensable. » À partir de là, non seulement il a été convaincu de l'intérêt de faire venir ce public sur le site, mais il a aussi beaucoup appris de ces rencontres.

« L'utilité politique de cet événement est énorme. Ça a permis aux Nantais de découvrir des lieux qu'ils fréquentaient très peu. Quand on parle de protéger un site, le message passe mieux si les gens le connaissent et y sont attachés. La manifestation a permis de brasser des populations des deux côtés des rives de la Loire. Ce qui n'est pas si fréquent. »

Franck Latraube voit donc un intérêt certain pour un site de participer à ce type de manifestation même à une échelle comme celle-ci, qui le dépasse complètement. La réputation de Nantes dans l'événementiel promettait de faire venir beaucoup de monde. Il y a effectivement eu sept-cent-mille visiteurs dès la première année. Mais des compromis ont été trouvés pour minimiser le dérangement, choisir des sites et des périodes adaptés. De plus, travailler avec d'autres milieux professionnels a été très profitable au gestionnaire. « Ça m'a permis de regarder mon territoire avec un oeil neuf. Parfois entre naturalistes, on n'avance pas. Ça a été une vraie remise en question. »

Il a par exemple été marqué par le serpent d'océan (ci-dessus), posé sur le sable, et dont le créateur a souhaité qu'il ne soit pas entretenu. « Entre marée haute et marée basse, on a l'impression qu'il bouge. C'est une approche intéressante qui marque le lien entre eau douce et océan. Cela parle à monsieur tout le monde, ce n'est pas destiné aux férus d'art contemporain. »

Franck Latraube a été tellement convaincu par la démarche qu'il a collaboré avec un photographe pour produire un livre sur l'estuaire, idéalement situé entre nature et culture.