Des changements de société sont nécessaires

 

Espaces naturels n°57 - janvier 2017

Autrement dit

C'est l'auteur de récit graphique Étienne Davodeau, qui nous donne son point de vue sur la question qui nous taraude chaque trimestre : mais pourquoi protéger la nature ?

Étienne Davodeau

Est-ce qu'il milite pour la protection de la nature ? Etienne Davodeau ne se sent pas vraiment militant. Il n'a pas pour but d'asséner des messages par le biais de ses livres de bande dessinée. Alors qu'il est l'un des précurseurs du genre (bande dessinée de reportage ou documentaire), il revendique de ne pas afficher d'engagement politique particulier dans ses récits.

« La bande dessinée documentaire repose sur l'observation. Comprendre, ressentir, raconter, c'est mon boulot. C'est ma façon de faire de la bande dessinée. Évidemment, en général, je raconte des parcours, des expériences de gens dont les préoccupations sont proches des miennes. »

La question écologique, et celle de la protection des territoires figurent donc souvent dans ses pages. « J'aime bien l'idée de donner la parole à des gens qui l'ont peu et qui s'affranchissent du modèle dominant. Le sort de notre pauvre petite planète perdue dans l'immensité galactique devrait nous préoccuper tous. Elle a désormais plus besoin d'être protégée qu'exploitée. L'un des pires symptômes de notre déraison collective me semble être notre niveau pathologique de nucléarisation, qui est dramatiquement élevé en France. »

Les ignorants raconte, en mode reportage autobiographique, la passion d'un vigneron pour sa vigne et son vin. « Le rapport à la terre de ces nouveaux vignerons qui renoncent à l'utilisation massive de la chimie de synthèse est quelque chose qui me touche beaucoup, je suis sensible à ça. Chez mon ami Richard Leroy, qui travaille en biodynamie, j'ai découvert cette science du sol et des éléments naturels. Le sol, peu de gens en ont conscience, n'est qu'une fine et fragile couche organique qui nous sépare des cailloux, c'est un phénomène unique dans l'univers, c'est ce sur quoi on vit et qui nous nourrit. À ce titre, il mérite un minimum de considération, non ? »

C'est l'expérience humaine que raconte Étienne Davodeau. Il nous donne à lire des trajectoires de personnes qui osent des démarches alternatives méritant d'être racontées. « Pouvoir écrire – et dessiner ! - un livre, c'est avoir un petit pouvoir. Celui d'être lu par quelques milliers de personnes. Une fois créé, le livre reste, il est pérenne. On se le prête. Il traverse le temps. C'est donc aussi une responsabilité. »

 

 

 

Alors ce flot de livres qui parlent d'écologie, finit-il par faire changer les choses ? « J'ai le sentiment que les choses avancent. Le débat écologique est partout. Mais des choix cruciaux et des changements de sociétés radicaux seront nécessaires. Rien que pour des raisons de survie, on n'a plus le choix. » En bande dessinée comme ailleurs, les auteurs s'emparent enfin de ces sujets.

« On sent que les gens ont besoin qu'on leur parle de ça. Et la question écologique ne peut pas être séparée de la question sociale. Des phénomènes comme Nuit debout, comme le succès du film Merci patron ! ou comme cette belle résistance à Notre-Dame-des- Landes en sont la preuve. Il est évident pour de plus en plus de gens que ce vieux modèle ultra-libéral et consumériste craque de partout. »

Effectivement, dans le travail d'Étienne Davodeau, les combats sociaux et écologiques sont irrémédiablement liés. Parce qu'il a surtout exploré le milieu agricole et rural. Mais si on lui parle des liens Homme-Nature, il parle d'une autre expérience personnelle : « La marche, comme le dessin, fait partie de mes activités naturelles, de celles qui me tiennent debout et me définissent. Depuis très longtemps, je me sens totalement chez moi sur les sentiers d' un parc national. » Le Parc national des Écrins est son parc national préféré. « Je l'arpente depuis longtemps, j'en aime l'air, la lumière, l'immensité, et la difficulté d'accès de ses vallées perdues. » Il reconnaît d'ailleurs aimer les massifs montagneux en général. « Mon autre terrain de jeu favori est le Massif central. Du Cantal au Cézallier, de l'Aubrac au Larzac, j'y use mes chaussures sans me lasser. Même son climat parfois difficile me convient. »

Le dessin et la marche sont donc pour Étienne Davodeau deux façons complémentaires de dire son rapport au monde.

 

À venir dans Espaces naturels
Vous aimez les artistes ? Retrouvez dans le prochain numéro, un dossier où nous leur donnons la parole (cf p. 20). Ce qu'ils ont à nous dire de notre travail est précieux !