Le dossier lu par... Raphaël Mathevet

 

Espaces naturels n°57 - janvier 2017

Le Dossier

Raphaël Mathevet, directeur de recherche au CEFE-CNRS, raphael.mathevet@cefe.cnrs.fr

Ce dossier montre comment concilier biodiversité et activités humaines reste une aventure permanente. Les expériences rassemblées ici tentent tantôt de rendre compte des processus en train de se faire tantôt d’expliquer les causes de succès ou d’échec, les risques encourus. Plusieurs expériences montrent comment le fait d'entamer un dialogue peut donner aux acteurs du territoire l’envie de continuer à construire ensemble un projet, ou tout au moins de créer des liens qui encourageront à poursuivre. Les efforts et compétences à fournir sont variables. Si certains processus ont besoin de peu de chose pour se mettre en place, d’autres demandent force de conviction pour intégrer les défaillances et dépasser les résistances en partie déterminées par le contexte historique, social et économique du territoire et de l’aire protégée.

Concilier activités humaines et biodiversité au sein et au-delà du périmètre protégé demande de prendre ensemble des humains, des non-humains et des interactions hétérogènes pour les (re)configurer. Les possibilités sont multiples, réclament de traverser les clivages et d’être capable d’intégrer différentes dimensions humaines, techniques et biophysiques. Entreprise pragmatique s’il en est, où toute expérience est bonne à capitaliser. Ces exemples montrent à la fois l’importance du travail du temps mais aussi de travailler le temps pour en faire un allié. Il s’agit de redistribuer ou de redéfinir les connaissances et interdépendances sociales et écologiques.

Ces processus transforment les rapports de force, les déplacent ou les prolongent. Impliquer et engager les aires protégées dans des dispositifs de gestion intégrée des territoires reste alors une expérience sans fin véritable, une succession d’étapes intermédiaires plus ou moins satisfaisantes. L’approche contractuelle n’est pas la panacée, mais bien une approche de plus dans le portfolio des mesures de conservation de la nature. Les conflits d’intérêts, de justice redistributive et procédurale, demeurent en maints lieux et sont travaillés par tous dans de multiples arènes de concertation.

Concilier aires protégées et territoire consiste à combler sans cesse un triple déficit : celui de la connaissance, de la reconnaissance et de dialogue. Affirmer, révéler, construire les légitimités d’action, changer d’échelle spatiale ou de gouvernance pour préparer la transition écologique reste un combat qui exige d’entretenir un regard réflexif et critique sur les liaisons dangereuses qu’elle peut enfanter.