Résilience socio-écologique

 

Espaces naturels n°47 - juillet 2014

Des mots pour le dire

Raphaël Mathevet
chercheur CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier

Dans le domaine de la psychologie, la résilience consiste à prendre acte de son traumatisme pour ne plus vivre dans la dépression. Cette notion est aujourd’hui utilisée pour étudier aussi les interactions entre les sociétés et leur environnement dans un monde qui connaît de profonds changements. En parallèle de l’appréhension des écosystèmes, dont la complexité a été de mieux en mieux comprise, le concept de résilience s’est étoffé.

C’est au début des années 1970, que l’écologue canadien Crawford S. Holling et ses collègues montrent qu’il n’y a pas une, mais plusieurs, situations d’équilibre, par exemple entre deux populations animales comme dans le cas des relations prédateur-proie. Cette découverte va transformer l’usage du concept de résilience. La résilience était jusqu’alors définie comme la mesure du temps de retour à un équilibre unique ; cette vision supposait un monde prédictible et l’on s’attachait à comprendre comment revenir à une situation de départ après des perturbations.

Dans la perspective d’un monde fait de multiples équilibres, la résilience écologique est alors définie comme la quantité de perturbation qu’un système peut recevoir avant de passer à un autre état.
Par la suite, dans les années 1990, le concept de système socio-écologique a été créé pour traduire, d’une part, le fait que les interactions sociales et écologiques sont liées, et d’autre part, qu’il est nécessaire de les aborder ensemble pour comprendre et éventuellement gérer le système qu’elles forment. La résilience d’un tel ensemble est alors sa capacité à absorber les perturbations d’origine naturelle ou humaine et à se réorganiser de façon à maintenir ses fonctions et sa structure. En d’autres termes, c’est sa capacité à changer, tout en gardant son identité. Dès lors, penser la résilience d’un système revient à penser les transitions entre différents états plus ou moins désirables et recherchés par les humains. La résilience permet de réfléchir à la manière dont les systèmes socio-écologiques répondent aux perturbations, comment ils s’adaptent à la fréquence et à l’intensité de ces perturbations, et comment nous les transformons. À la fois source de critiques radicales mais aussi d’optimisme, l’exploration de la résilience permet de parcourir le champ du possible, d’accroître notre capacité d’adaptation aux changements imprévisibles, de nous inciter à transformer des systèmes intenables et inacceptables. Qu’on l’aborde sous l’angle de la science ou de l’idéologie, la résilience peut nous aider à penser nos problèmes environnementaux et à agir.