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De l’importance des connaissances

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Le Dossier

MMB

 

En Guyane, plus qu’ailleurs encore, le manque de connaissances sur les insectes est criant. Un travail de fourmi est nécessaire pour mieux comprendre le rôle crucial des insectes dans le fonctionnement des écosystèmes forestiers tropicaux.

© Parc amazonien de Guyane

Améliorer la connaissance du patrimoine naturel et la compréhension des relations fonctionnelles qui régissent les compartiments du vivant, c’est un des objectifs importants du Parc amazonien de Guyane (PAG). Depuis 2010, plusieurs projets sont menés en parallèle pour y répondre concernant les insectes. « On s’empare du sujet pour de la connaissance pure depuis relativement peu de temps, affirme Raphaëlle Rinaldo, qui coordonne les programmes scientifiques du Parc. On étudie depuis longtemps les relations plantes-insectes, mais on prend maintenant conscience de l’importance qu’ont les insectes en termes de biodiversité. »

Pour Pierre-Henri Dalens, président de la SEAG (Société entomologique Antilles- Guyane(1)) : « la recherche taxonomique n’est pratiquement plus prise en charge par les crédits de la recherche académique et c’est la dynamique des espaces naturels et du tissu associatif naturaliste qui a pris le relais. Les études menées par les espaces naturels contribuent grandement au progrès des connaissances fondamentales, signalements et descriptions d’espèces nouvelles. » Par exemple, pour les coléoptères, 25 % des 400 espèces nouvelles décrites ces 5 dernières années provenaient de matériel collecté grâce à des missions commanditées par les espaces naturels de Guyane. « Chaque mission de prospection intensive apporte son lot d’espèces originales et l’enjeu consiste surtout à animer un réseau d’experts capables de traiter le matériel collecté. » Suite à une mission comme celle d’Itoupé en 2010 (poursuivie en 2014), pour plus de 1900 espèces identifiées, vingtcinq articles ont été publiés présentant une cinquantaine d’espèces nouvelles, alors que le matériel récolté est encore en cours d’étude chez de nombreux spécialistes.

C’est dans les forêts tropicales, comme en Guyane, que la diversité en arthropodes est la plus importante. On estime en effet qu’il y a environ 18 000 espèces différentes par hectare de forêt. La forêt guyanaise étant relativement bien préservée, mais difficile d’accès en dehors des zones littorales, de vastes zones n’ont pas encore été bien caractérisées. « Ces inventaires sont importants pour savoir quelles sont les espèces présentes, les décrire pour celles qui sont nouvelles. La recherche fondamentale apporte des connaissances (nouvelles espèces, déterminants écologiques de la présence de ces espèces dans un milieu donné, interactions avec les autres espèces, etc.) et ces connaissances sont à la base de toute décision de gestion des écosystèmes. La gestion pourra en effet prendre en compte la présence d’espèces localisées, spécifiquement inféodées à des milieux particuliers, la continuité des zones protégées pour faciliter les échanges, etc. », explique JérômeOrivel, spécialiste des interactions plantes-insectes à Ecofog (université Antilles-Guyane).

L’un des plus importants projets du PAG, en partenariat avec la SEAG, met en oeuvre un inventaire entomologique à Saül. Le but est de concourir à la caractérisation d’un état de référence de la diversité des insectes sur ce secteur. Toutes les informations collectées sont étudiées par une centaine de spécialistes à travers le monde afin d‘apporter des connaissances fondamentales sur la biodiversité de Guyane et constituer une description inédite du peuplement entomologique durant un cycle annuel. Un préalable aux actions de gestion.