Partager la donnée pour l’analyser

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

L'entretien

Propos recueillis par MMB

La migration des oiseaux sur le littoral du Pas-de-Calais* a permis de valoriser les millions d’heures d’ornithologues bénévoles passées à suivre la migration sur l’une des zones les plus importantes de France. 

Frédéric Caloin et Philip Redman, ornithologues

 

Le littoral du Pas-de-Calais est l’une des zones les plus importantes de France pour suivre la migration. Comment avez-vous obtenu les données exploitées dans votre ouvrage ?

FC : Ce sont les données des bagueurs, des observateurs terrestres et des observateurs en mer (seawatcher) de chaque côté du détroit du Pasde- Calais sur une dizaine d’années. Elles ont été mises à disposition par les associations qui ont participé à l’élaboration de ce livre et certaines sont exploitées par des scientifiques en corrélation avec leurs propres données. À ma connaissance c’est la première fois que ce travail de synthèse est fait. En tout cas, c’est la première fois sur le site des Caps, qui est l’un des plus importants de France pour la migration, et le plus important pour les oiseaux marins et littoraux.
PR : Effectivement, il faut féliciter toutes les personnes concernées par la production du livre d’avoir fait ce travail : les bénévoles sur le terrain, le comité de rédaction. J’espère que c’est le début de recherches coordonnées entre Français et Anglais des deux côtés du détroit.

Quel est l’intérêt d’avoir fait ce travail ?

FC : Ce n’est pas un travail scientifique ou statistique à proprement parler. C’est un travail avant tout naturaliste, de mise à disposition et de mise en valeur des données. On donne quelques tendances évolutives, mais c’est surtout le déroulement de la migration qui est mis en avant. Cela nous permet de signaler à un public ornithologue, ou avec une sensibilité naturaliste, ce qu’on peut observer, à quelle période et de qui se rapprocher pour participer à ces suivis. Le gros intérêt est aussi d’avoir permis aux bénévoles de voir le résultat de leur travail. C’est, j’espère, une récompense pour eux. Les petites associations ont de moins en moins la possibilité de prendre elles-mêmes le temps d’analyser leurs données ou de les publier. L'implication du PNR Caps et marais d'Opale et de Biotope dans le projet a permis ce travail.
PR : L’intérêt de ce travail est pour l’avenir. Il donne une base de données pour avancer sur des recherches plus précises sur toutes les espèces qui nichent ou traversent le détroit chaque année.

Tout repose sur du bénévolat ?

FC : En grande partie, même si des efforts ont été réalisés ces dernières années sur le baguage. Une observation rigoureuse nécessite de grandes équipes car il est difficile de mobiliser des bénévoles sur une durée longue. Or les migrations sont très variables et il faut observer sur de très grandes durées pour obtenir des données évolutives fiables. Ce livre, c’est aussi un moyen de s’adresser aux financeurs. On souhaiterait que soit mis en place un suivi avec un personnel rémunéré comme le font déjà l’Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas.
PR : Sans doute, les bénévoles continueront-ils d’être importants à l’avenir en collectant les données. Mais avec le volume de données disponibles, il faudra que ce soient des professionnels qui fassent les analyses et proposent les lignes de recherche. Les ornithologues anglais du Kent et du Sussex sont déjà intéressés pour participer à un projet de coordination avec leurs collègues de France, de Belgique et des Pays-Bas. Une réunion à Ambleteuse en 2014 était le premier pas vers un projet unique.

 

(*) édité par Biotope pour le PNR des Caps et marais d’Opale, avec les associations CAP-ORNIS Baguage, Station Ornithologique du cap Griz-Nez et Groupe Ornithologique et Naturaliste du Nord – Pas-de- Calais. Frédéric Caloin en est le coordinateur et Philip Redman en a écrit la préface et participé à la version anglaise, en tant que découvreur du site d’observation en 1955.