Nuisibles ? Pas pour tous !

 

Espaces naturels n°49 - janvier 2015

Le Dossier

Brigitte Poulin
responsable du département écosystèmes,Tour du Valat

Un odonate ayant un moustique gorgé de sang dans les “dents”. © Kate Lessells

Outre leur intérêt intrinsèque pour la biodiversité et les nombreux services écologiques qu’ils rendent à l’Homme (pollinisation, contrôle des ravageurs, etc.), les insectes sont une nourriture de choix pour 60 % des oiseaux qui peuplent la planète. Les passereaux, en particulier, par leur petite taille et le comportement nidicole de leurs oisillons (entièrement dépendants des parents pour leur alimentation) ont besoin de proies riches en protéines et faciles à digérer pour assurer la croissance des petits. Ces proies doivent de plus être en surabondance pour permettre une croissance de la nichée en un temps record et réduire ainsi les risques de prédation au nid. De fait, nombre d’espèces d’oiseaux considérées principalement comme frugivores, granivores ou nectarivores deviennent majoritairement insectivores pendant la période de reproduction dans tous les types de milieux et à toute latitude.

Dans les milieux forestiers, ce sont essentiellement les chenilles (larves de papillons) qui sont les proies privilégiées par ces oiseaux, alors que dans les zones humides ce sont principalement les chironomes (diptères volants formant des essaims), et parfois les moustiques, qui jouent ce rôle de proie essentielle à la reproduction et donc au maintien des populations d’oiseaux.

LE CAS DES MOUSTIQUES EN CAMARGUE

La mise en oeuvre d’une démoustication par épandage de Bti (Bacillus thuringiensis israelensis) sur une partie des marais de Camargue accompagnée d’un suivi des impacts sur la faune non cible a permis de démontrer que les moustiques constituaient plus de 20 % des proies que capture en vol l’hirondelle des fenêtres pour nourrir ses poussins au nid. Ceux-ci ne constituent que 7,5 % des proies apportées au nid chez les colonies entourées de marais traités, où une baisse de plus de 40 % du succès reproducteur est observée.

Ainsi, sur la base de 184 nids suivis, 3,3 jeunes par nid atteignent l’âge d’indépendance sur les sites témoins, comparativement à 1,9 sur les sites entourés de marais traités au Bti. Outre une baisse dans la consommation des moustiques et des chironomes sur les sites traités, on observe une diminution significative des libellules qui, par leur taille, représentent une proie d’un rapport coût-bénéfice intéressant pour les hirondelles. Les libellules étant d’importantes consommatrices de moustiques et chironomes tant au stade larvaire (aquatique) qu’adulte, l’examen sous loupe des fèces de poussins d’hirondelles a donc permis de démontrer un impact du Bti à deux niveaux du réseau trophique.

QU’EN PENSENT LES CAMARGUAIS ?

Il est intéressant de noter que le principal facteur expliquant une position favorable à la démoustication est la considération que le moustique est « nuisible », alors que les répondants ayant une position contre la démoustication infèrent le coût élevé de celle-ci et son impact sur la faune non-cible...