Après le feu… le butor
Espaces naturels n°12 - octobre 2005
Brigitte Poulin
Station biologique de la Tour du Valat
Émilien Duborper
Station biologique de la Tour du Valat
André Mauchamp
Station biologique de la Tour du Valat
Après brûlage dirigé, la combinaison entre les zones brûlées et non brûlées offre des microhabitats recherchés par le butor étoilé.
Que ce soit à des fins cynégétiques ou de pâturage, les propriétaires et gestionnaires des marais à marisque utilisent souvent le brûlage dirigé comme mode de gestion. Considérant que l’impact réel du feu était mal évalué, la station biologique de la Tour du Valat en Camargue a, en 2003, initié diverses études destinées à connaître les effets du feu et ses interactions avec la diversité biologique.
Les sites d’étude ont été répartis dans les marais du Plan du Bourg, à l’est du delta du Rhône, entre les marais d’Arles et le sud des marais de Crau à Fos-sur-mer. 330 ha de cladiaies1 et 124 ha de roselières ont été prospectés. Parmi eux, 81 ha brûlés en novembre-décembre 2003 (73 ha dans les cladiaies et 8 ha dans les roselières) et 18 ha brûlés en novembre-décembre 2004 (dans les cladiaies).
L’analyse n’est pas encore achevée, mais il a été possible de mettre en relation les données relatives aux zones brûlées et aux populations de butors étoilés recensées grâce au programme Life Nature les concernant (voir encadré).
Des chiffres
Sur les zones prospectées, quatorze (2004) puis dix-sept mâles (2005) chanteurs ont été détectés aux printemps suivant les mises à feu.
Mais, alors que les zones brûlées représentent 19 % (2003) et 23 % (2004) de la superficie échantillonnée, 50 % puis 59 % des butors ont été localisés à l’intérieur des zones brûlées (sept individus identifiés la première année, dix la seconde).
Ce résultat suggère que les espaces brûlés offrent des microhabitats recherchés par le butor étoilé, dès les premiers mois après le feu.
Il existe peu de données sur les relations entre la gestion des cladiaies et leur fréquentation par les butors étoilés. En Italie, Puglisi et alii (2005) ont trouvé que les butors étaient concentrés dans les zones « jeunes », c’est-à-dire celles qui avaient été coupées ou brûlées au cours des trois années précédentes, ce qui corrobore les résultats de cette expérimentation. Les mâles chanteurs sont souvent localisés à l’interface des zones brûlées et non brûlées, ce qui suggère que les deux types de microhabitats offrent des conditions recherchées et complémentaires. L’ouverture créée par le brûlage dirigé procure probablement des zones plus favorables à l’alimentation, alors que les zones non brûlées offrent sans doute un meilleur camouflage pour les nids.
1. Les marais à marisque ou cladiaies sont des formations végétales généralement denses dominées par le Cladium mariscus. Cet habitat prioritaire : Directive habitats faune flore (DHFF) au niveau communautaire est peu répandu en France.
Il dépend d’une alimentation
en eau douce issue des eaux souterraines : nappes ou résurgences. Les cladiaies recèlent une entomofaune riche et spécifique, de même qu’une avifaune de grand intérêt (Pilard et alii 1996, Puglisi et alii 2005).
2. Les zones de protection spéciales mises en œuvre dans le cadre de l’application de la directive Oiseaux 79/409 du 6 avril 1979.