Mauvais maître mais bon serviteur

 

Espaces naturels n°12 - octobre 2005

Le Dossier

Emmanuel Lopez
Directeur du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres

 

Le feu a probablement été le premier outil utilisé par l’homme pour transformer les écosystèmes à son profit, pour se débarrasser des arbres qui empêchaient le pâturage des troupeaux et la mise en culture de la terre. C’était un allié, mais aussi un fléau lorsque de gigantesques incendies tarissaient pour plusieurs mois toutes les ressources naturelles.
Ouvrir le dossier des incendies de forêt, comme l’expérience le montre, c’est prendre le risque de l’émotion ou, pour le moins, d’une vision caricaturale et partielle. De manière inconsciente et confuse, cette question est traversée par des représentations symboliques ancestrales, qui mêlent peur et fascination et rendent difficile un débat serein.
Pour nous, gestionnaires d’espaces naturels protégés, il serait tentant de se replier sur les seuls enjeux de la conservation de la biodiversité pour lesquels, en définitive, le feu n’a pas nécessairement des effets négatifs ; en oubliant que sur nos « vieux territoires » habités, le patrimoine est la conjugaison de la nature et de la culture et que la vie des visiteurs que nous accueillons peut être menacée par l’incendie.
Notre responsabilité est ainsi de prendre en compte cette complexité et les représentations sociales qui l’accompagnent, sans renoncer cependant à les faire évoluer. Nous devons écouter, mais aussi expliquer et défendre des valeurs d’avenir, en refusant les déclarations désespérées (et désespérantes…) de « l’après-feu ».
L’ambition de ce dossier n’est certes pas de fournir des recettes miracles ou des normes uniformes pour gérer des espaces naturels exposés au feu. Il s’agit plutôt d’évoquer les multiples aspects de la gestion du feu et de ses conséquences, de partager le fruit des expériences engagées en France et dans d’autres pays du monde, d’élargir et d’approfondir la réflexion afin de composer le mieux possible avec le feu, le refus n’étant pas un choix réaliste dans les stratégies de gestion patrimoniale.