Ménager le littoral

 

Espaces naturels n°17 - janvier 2007

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Emmanuel Lopez
Directeur du Conservatoire du littoral

 

Il faut se préparer à accueillir de nouvelles populations sur le littoral et permettre, en outre, à ceux dont les revenus sont modestes de s’y maintenir malgré la pression foncière. Refuser le principe de toute construction nouvelle est donc illusoire. Cependant, cet espace détient une forte valeur patrimoniale et des enjeux importants lui sont attachés. Or, le seul jeu de l’offre et de la demande conduit tout simplement à la disparition progressive du littoral naturel et agricole.
Aujourd’hui, la « valeur patrimoniale » de l’espace littoral est bien identifiée. Lisière entre terre et mer, d’une richesse biologique en espèces exceptionnelle, c’est aussi un lieu de productivité primaire dont dépendent les autres êtres vivants. Le littoral est également un capital touristique construit autour de l’image de nature, de paysage et de liberté, il constitue un fonds d’exploitation pour les produits
de la mer et des produits agricoles spécifiques (vignes, fleurs,
légumes…). Valeur culturelle, enfin, cet espace fait ressentir une relation au monde construite autour d’une aspiration à la beauté et à la force symbolique des paysages, magnifiés par les peintres et les écrivains. Le littoral témoigne d’une identité culturelle et dévoile un lien affectif au territoire. Les insulaires, les visiteurs et les habitants des côtes aspirent à une liberté d’accès au « bien commun » que constitue le rivage…
Face à cette combinaison de points de vue et d’intérêts, la protection réglementaire et l’intervention foncière peuvent se combiner pour « empêcher de faire » d’une part, et « permettre de faire » d’autre part. La philosophie qui inspire ce paradoxe est simple : éviter que le « bien de tous » soit perçu comme n’appartenant à personne et, partant, dégradé. Faire la démonstration qu’une gestion intégrée est possible en associant pêcheurs, agriculteurs, éleveurs, sauniers, viticulteurs… qui poursuivent, ou renouvellent, des usages anciens dans un contexte contemporain. Enfin, rendre cohérente l’urbanisation vers l’intérieur des terres, la densification d’espaces déjà aménagés : grâce à des établissements publics fonciers, à une planification de l’occupation du sol et de l’urbanisme, et enfin à des projets territoriaux capables de projeter un paysage naturel et urbain à la mesure du dynamisme des régions littorales.