Port-Cros, dans la pratique

 

Espaces naturels n°12 - octobre 2005

Le Dossier

Éric Serantoni
Technicien forestier au service aménagement du Parc national de Port-Cros

 

Sur Porquerolles, le plan de DFCI est en application depuis 1997. Sur l’île de Port-Cros le plan est tout récent. Éric Serantoni nous livre ses impressions...

L’application du plan de DFCI sur l’île de Port-Cros a-t-elle été aisée ?
Passer de la théorie à la pratique n’est pas forcément aussi simple qu’il y paraît. Le plan de DFCI s’appuie sur un diagnostic très précis et une analyse rigoureuse des risques. Pour autant, si les principes fondamentaux de l’aménagement s’imposent de manière relativement peu flexible, le plan doit demeurer évolutif, à la marge, pour tenir compte de conditions environnementales, logistiques et sociales elles-mêmes sujettes à évolution.
Les trois années consécutives de sécheresse observées à Port-Cros par exemple ont eu pour conséquence de faire monter en première priorité l’entretien de la zone débroussaillée qui ceinture le village.
Les modalités d’intervention exprimées dans le plan font encore aujourd’hui l’objet d’une concertation approfondie avec les services de secours et nombre de partenaires impliqués dans la réflexion. Les contraintes du site, sa vocation elle-même particulière, les regards et les cultures croisées des intervenants ont forcément marqué le plan sous le sceau du compromis.
Ainsi, la seule piste en dur disponible dans l’île n’est pas idéalement placée. Elle répond aux exigences d’une piste de patrouille en guet armé, ou d’une piste de liaison, mais ne peut servir efficacement d’appui au dispositif de lutte. Située à flanc de colline, au vent, elle ne répondrait pas aux contraintes de sécurité et d’efficacité des pompiers.
A contrario, il n’est pas envisageable d’en ouvrir une autre pour des raisons à la fois logistiques, biologiques et paysagères. De la même manière, il ne serait pas raisonnable d’ouvrir des coupures de combustible dont les prescriptions techniques remettraient en cause l’identité du site ou la pérennité de certains de ses composants biologiques.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Il est parfois difficile de se positionner entre deux législations. Par exemple, nous avons à la fois obligation légale de débroussailler et obligation de ne pas modifier le paysage du fait d’un site classé. Nous essayons alors de respecter l’esprit de la loi. Nous avons tranché et puisque le débroussaillage vise, en priorité, à mettre en sécurité les personnes, nous le privilégions au pourtour du village. Cependant, pour les aspects de responsabilité, nous faisons valider nos ouvrages par les services de secours.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Le Parc national s’est efforcé de réaliser au plus vite les aménagements les plus indispensables. Une priorité a été donnée à l’installation de zones de dépose pour l’acheminement des sapeurs commandos par hélicoptère. Ces points névralgiques ont été sécurisés par l’adjonction de points d’eau et l’amélioration des pistes de liaison.
Les lisières forestières qui enserrent le village ont été débroussaillées en veillant à ne pas altérer la qualité du site, voire à en restaurer l’identité ancienne.
En fait, sur l’île de Port-Cros, la sécurité consiste à prévenir l’incendie plutôt qu’à tenter de l’éteindre. Le Parc concentre donc tous ses efforts sur la prévention.
Concrètement, que faites-vous ?
La toute première chose, c’est la tolérance zéro vis-à-vis de la cigarette. Et puis, nous fermons les massifs quand le risque est trop élevé. C’est officiel, efficace et relativement bien respecté. Cette fermeture intervient, au jour le jour, par arrêté préfectoral. Nous avons une signalétique pour prévenir les gens : tous les sentiers fermés sont munis d’une chaîne et d’un petit panneau. Nos agents circulent régulièrement pour assurer la surveillance. Nous assurons également l’accueil maritime pour informer les visiteurs.
Par ailleurs, nous luttons activement contre les départs de feu. Nous disposons d’un camion grande contenance et d’un véhicule léger pendant la période à fort risque. Nous avons des pompiers volontaires en permanence, même l’hiver.

Recueillis par Moune Poli