Solidarité écologique

 
L'entretien

Propos recueillis par MMB

John Thompson et Raphaël Mathevet, Cefe CNRS

John Thompson et Raphaël Mathevet, Cefe CNRS

Comment le terme « solidarité écologique » est-il apparu ?

JT : Le concept de solidarité écologique a été introduit pour la première fois dans le droit français de l’environnement lors de la réforme des parcs nationaux1 où le terme apparaît dès le premier article pour fonder l’aire optimale d’adhésion. Nous nous sommes saisis du sujet au Cefe en 2008 à la demande de Parcs nationaux de France et d’INEA, un bureau d’étude chargé de clarifier l’application de la loi : qu'est-ce que la solidarité dans un contexte écologique ? De quoi parlet- on ?

RM : Le passage de la notion d’interdépendance entre les composantes des écosystèmes à la notion de solidarité permet de souligner avant tout que nous avons la possibilité de tenir compte de ces interdépendances, car en faisant partie de la communauté du vivant, l’homme a le devoir moral de juger de ses actions selon leurs conséquences sur les composantes de cette communauté.

JT : Cette notion arrive de façon logique dans l'histoire de la conservation. Depuis les années 1980, on dit que les sites protégés ne sont pas des îles, qu'il faut prendre en compte les écosystèmes et les interactions. La solidarité écologique ajoute la
dimension sociale, économique et politique. C'est la continuité de notre prise de conscience que, pour appliquer efficacement une protection réglementaire, il faut l'appui de la population, des acteurs locaux…

Le principe est repris dans la loi de 2016, est-ce une bonne chose ?

JT : C'est excellent ! Le principe est mis dans le chapeau de la loi, ce qui signifie que c'est un concept que l'on peut décliner. Il donne une raison d'être à la conservation. Il fait en sorte qu'on intègre la dimension sociale, qu'on prenne en compte l'homme dans la nature.

RM : Lors de la présentation de nos travaux, nous avons été heureux du très bon accueil de la part des gestionnaires et élus. Cette notion donne sens aux lieux que nous habitons, aux nombreux outils de conservation (TVB, schémas régionaux…). Elle se fonde sur la reconnaissance et connaissance des interactions écologiques et sociales mais surtout elle invite à questionner les conséquences des interdépendances fonctionnelles écologiques et sociales et leur prise en charge. Comment être solidaires ou non avec les autres quant à l’accès à la biodiversité ? Comment être solidaires ou non avec les non-humains ?

Sur quoi peuvent désormais porter les travaux de recherche sur le sujet ?

JT : Jusqu’à présent, peu de structures se sont saisies explicitement du concept mais les demandes sont croissantes. Actuellement, le Parc national des Calanques en a fait un principe de base de sa stratégie scientifique. C’est une première et j'y vois une bonne façon de fédérer les acteurs autour d'un projet, et d'associer sciences écologiques et sciences de l’homme et de la société.

RM : Il est nécessaire de créer et d’expérimenter des dispositifs qui permettent de dépasser le simple échange de points de vue et de construire une vision partagée du fonctionnement du territoire, de clarifier les responsabilités et les rôles de chacun dans la gestion de l’environnement. Dans la mesure où un collectif humain quel qu’il soit s’inscrit dans une démarche de connaissance des interdépendances écologiques et socio-politiques, il construit ou consolide sa résilience aux crises. C’est ce que nous souhaitons explorer dans de futures recherches avec le réseau des espaces naturels protégés.

 

(1) loi n° 2006-436 du 14 avril 2006