Jean-Paul Crampe
La montagne est son domaine. JeanPaul Crampe a beau être à la retraite depuis quelques mois, il retourne quasiment chaque jour sur le terrain. Il est entré au Parc il y a plus de quarante ans et signe une carrière marquée par le goût d'en savoir plus et de transmettre les connaissances.
« J'ai quitté l'école à 14 ans, avec le certificat d'études. Ensuite, j’étais paysan, dans la ferme de mes parents, près de Lourdes. Puis, après mon service militaire, je suis devenu moniteur de ski. Plus tard, c'est mon moniteur chef, à l'UCPA, qui m'a incité à passer le concours d’entrée au Parc national des Pyrénées. J'y suis allé sans grande conviction. Mais je suis arrivé troisième, et j'ai été nommé en vallée d’Ossau, puis sur le secteur de Cauterets où j’ai passé le reste de ma carrière. » Son domaine, ce sont donc quelques vallées des Pyrénées, qu'il connaît comme personne, isards, tétras et bouquetins compris.
Un de ses souvenirs les plus marquants : ce 10 juillet 2014 où le bouquetin a été réintroduit à Cauterets. « Les boîtes se sont ouvertes, et neuf magnifiques bouquetins ibériques ont bondi vers les rochers. Quand on a œuvré pour ce projet pendant trente ans, on a du mal à réaliser que c’est fait. » L'image est gravée pour toujours. On sent chez Jean-Paul le bonheur de faire un métier passionnant, et la satisfaction d'avoir contribué à une « œuvre collective ».
« L'homme a acquis des moyens de destruction tellement puissants, dont il peut mesurer les effets, qu'il est désormais responsable des espèces qui l’accompagnent sur la planète. » De proies, que nous étions à nos origines lointaines, nous sommes devenus des prédateurs de plus en plus efficaces. Aujourd'hui nous devons, pour subsister nous-mêmes, entrer dans une relation de symbiose avec les autres êtres vivants. « Et pour ça, on doit rendre des comptes, et ne pas tricher. Dans cette nouvelle aventure extraordinaire, les parcs nationaux ont leur rôle de laboratoire naturel à jouer. Ils ont aussi une énorme mission pédagogique à remplir. »
D'où son intérêt pour la science, le goût d'en apprendre toujours plus. « Je me suis toujours formé, à la géologie, à la botanique... » Avec le suivi de 545 isards marqués, des découvertes innovantes sur la démographie, le comportement et l'organisation sociale ont été réalisées à Cauterets. Il a publié des articles dans des revues scientifiques, communiqué dans de nombreux colloques et validé ses acquis par un diplôme universitaire de recherche sur l’isard. Ce qui le contente, c'est de pouvoir contribuer à montrer l'efficacité de la sélection naturelle dans une population sans chasse. Car les animaux, même au sein d'une espèce ou d'un groupe, ne sont pas équivalents. « Il y a des personnalités, des savoirs qui se transmettent. Ce sont des êtres sensibles et, à leur manière, beaucoup plus intelligents qu'on ne l'imagine. »
Il ne se dit pas anti-chasse, mais plutôt pro-conservation. Que la chasse soit un plaisir, certes, mais qu'on ne lui dise pas qu'il est nécessaire de réguler les populations d’isards. Pour lui, beaucoup se porteraient beaucoup mieux sans intervention. « Ce qui me révolte, c'est qu'on croit encore que la nature s'en sort mieux avec l'intervention humaine. »
Pour ces études à long terme, indispensables selon lui, il faudrait laisser plus de place à l'innovation dans les structures de gestion de la nature. Les parcs nationaux sont des sources inépuisables d'inspiration. « Je crois beaucoup à la créativité personnelle et à la force de l'exemple. » Ces études sur l’isard, ce projet de réintroduction du bouquetin dans les Pyrénées, c'est peut-être grâce aux idées originales d’un olibrius à qui on a laissé la bride souple ! »