Foncier : trouver la bonne articulation avec les autres protections

 
Le Dossier

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Pour protéger la biodiversité, il faut de la diversité. Acteurs différents, échelles différentes, exigences différentes. Ce que semblent dire les espaces naturels en conjuguant protection foncière et réglementaire : chacun son rôle et la nature sera bien gardée.

RN de Lilleau des Niges

RN de Lilleau des Niges. © LPO

Un propriétaire institutionnel ou privé, des gestionnaires associatifs ou publics : toutes les combinaisons sont possibles pour servir l'objectif de protéger un espace naturel. Un mille-feuille souvent critiqué mais qui trouve pourtant son équilibre. Sur le littoral atlantique par exemple, le Conservatoire du littoral mène son action foncière et collabore avec la LPO sur des réserves naturelles nationales, mais aussi des conservatoires d'espaces naturels, des communautés de communes, l'ONCFS, les départements. De part et d'autre, on y trouve son intérêt. Dominique Aribert, directrice du pôle conservation de la LPO : « Il est de bon ton de critiquer aujourd’hui l’empilement des règles, des procédures, des protections, dans le droit de l’environnement. La tendance est à la simplification… Pourtant, dans un espace protégé, la maîtrise foncière par un organisme public à vocation environnementale est un atout non négligeable. Quand le Conservatoire est propriétaire, le maintien de la biodiversité est un enjeu commun au propriétaire et au gestionnaire : pas besoin de lutter contre des projets de valorisation économique. C’est, pour le gestionnaire, un confort et un gain de temps appréciable. » Pour Bruno Toison, délégué du Conservatoire du littoral Centre-Atlantique (Poitou-Charentes et Pays de la Loire) : « Il faut de la variété dans les statuts pour s'adapter au terrain et au contexte humain. Un site classé, une réserve naturelle régionale peuvent jouer leur rôle. Un gestionnaire comme un Cen ou la SNPN a sa place. La réserve est une protection plus forte, avec une présence importante et des techniciens très compétents. C'est parfois nécessaire, et on soutient certains classements. Mais c'est une Rolls qu'on ne peut pas utiliser partout. »

Le Conservatoire du littoral s'efforce de coordonner la complémentarité des statuts. Il considère d'ailleurs déjà l'achat comme une forme de protection : « Interdire les phytosanitaires, réglementer la chasse, ou aménager un observatoire pour éviter le dérangement, c'est un début, et c'est parfois suffisant. » Bruno Toison prend l'exemple de Lilleau des Niges, où chacun joue sa partition. La réserve nationale (60 ha) côtoie un site classé, une réserve de chasse gérée par l'ONCFS, un site Ramsar, une forêt domaniale, une zone de préemption du département, une maison de site obtenue grâce à la communauté de communes et gérée par la LPO, et une activité économique (sauniers). L'un sans l'autre ne pourrait remplir pleinement sa mission. « Seul on ne ferait pas grand chose. Mais personne ne peut dire ''c'est mon terrain''.

La protection ne doit pas être confisquée par l'un ou l'autre. » Du point de vue du gestionnaire cette fois, si la propriété permet de voir à long terme, le fait qu'il soit public est vu comme une sécurité supplémentaire : « La maîtrise foncière permet aux gestionnaires d’espaces naturels de se projeter dans la gestion à long terme, au-delà des contingences habituellement liées à la propriété (usus, abusus, fructus) et à sa transmission. De fait, bénéficier de terrains acquis par un organisme dont la vocation est la conservation de la biodiversité représente une liberté : celle de concevoir une gestion adaptative et des expérimentations. » Dominique Aribert ajoute : « Jamais le gestionnaire ne rencontre des conditions aussi favorables avec des propriétaires privés, car il y a un usage des sols qui, même s’il est compatible avec les objectifs de la réserve à un instant t, peut, au fil du temps, évoluer. »

Un objectif commun, donc, que le propriétaire met en musique en prenant en compte d'autres demandes que celle de conservation, et notamment celle de l'accueil du public. « Pour le lac de Grand-Lieu, par exemple, explique Bruno Toison, il y a 2600 ha totalement fermés au public, gérés par la SNPN. Nous avons acheté la périphérie pour pouvoir faire de l'accueil, et c'est géré par le département. C'est une bonne combinaison. »
Une des premières choses que le Conservatoire du littoral a fait lors de l'élaboration de sa nouvelle stratégie (voir p26), est d'ailleurs de faire le point sur ce que d'autres acteurs faisaient sur le terrain. Alors, qu'il y ait des lourdeurs administratives, personne ne le niera, mais il semble que la protection foncière permette d'enrichir la palette, d'élargir le champ de la conservation de la biodiversité.
« Le phragmite aquatique, on lui veut du bien évidemment, mais le monde ne se résume pas à ça. Il faut regarder la protection avec un grand angle, conclut Bruno Toison, pas qu'au microscope ou à la longue-vue. »