Corridors

Quoi de neuf au bord des routes ?

 

Espaces naturels n°59 - juillet 2017

Aménagement - Gouvernance

Yannick Autret, chargé de mission recherche transport, MEEM/ CGDD/DRI, responsable du programme de recherche ITTECOP, yannick.autret@developpement-durable.gouv.fr

Où en est-on de la biodiversité en marge des infrastructures de transport ? Recherche et amélioration de l’intégration environnementale et paysagère des infrastructures de transport. Apports de la conférence IENE 2016 (1).

L'accroissement du réseau routier mondial est estimé à + 50 % d'ici 2050.

Élément du développement des territoires, les infrastructures de transport contribuent directement ou indirectementà la perte globale de biodiversité. Néanmoins, avec des emprises représentant une surface supérieure aux parcs nationaux métropolitains, plusieurs acteurs du transport cherchent aujourd’hui à diminuer les impacts écologiques des infrastructures existantes ou en projet. On peut en attendre, quand certaines conditions sont réunies, le développement de nouveaux réseaux écologiques dans des territoires souvent très anthropisés2 comme il a été possible de le voir lors de la conférence internationale IENE 2016.

VALORISER UN ENVIRONNEMENT FINI

L'intégration environnementale dans les infrastructures progresse. Pour autant cette efficacité doit être prouvée, surtout en période de réduction des investissements, d’où l’importance croissante accordée au recueil de données et à leur analyse. La baisse des coûts de pièges photographiques et des analyses génétiques pour identifier les différenciations au sein de populations animales de plus en plus isolées permet de disposer de bases de données sans cesse croissantes. L’ampleur de celles-ci est encore accrue par une mobilisation de la science citoyenne pour laquelle de nouveaux outils communautaires sont mis à disposition et entraînent une multiplication des moyens d’observation et des données recueillies.

Un environnement fini, non extensible, rend d’autant plus sensible la gestion courante de l’existant, où ce qui existe doit être valorisé, y compris la biodiversité « ordinaire ». La question des emprises devient donc un enjeu central où l’on peut observer, de manière très paradoxale, ces espaces artificialisés devenir des réservoirs potentiels de biodiversité au sein d’espaces agricoles  de plus en plus monotones. L’illustration la plus parlante en est le rôle joué par ces mêmes emprises dans le cadre du développement d’espaces favorables aux pollinisateurs avec des modes de gestion modifiés, impliquant une réduction voire une suppression forte des intrants et des fauchages adaptés aux cycles reproductifs.

INTERDISCIPLINARITÉ ET SYNERGIES

Le fait de regarder les infrastructures dans leur globalité : routières, ferrées, fluviales, énergétiques, interfaces territoriales (gares, ports ou aéroports)... permet de développer une nouvelle géographie du cumul de ces dernières, y compris pour de petites opérations qui passent régulièrement sous la barre de détection des impacts en termes de fragmentation. Une des conséquences directes est la redéfinition même du génie civil, qui s’hybride sans cesse davantage avec le génie écologique pour apporter des solutions pratiques et économiques, peuvent être aisément adoptées par les décideurs en charge des arbitrages. Dès lors, quel avenir pour les interrelations entre écosystèmes et infrastructures ? Les dimensions prospectives restent très difficiles à mener. Si William F. Laurence3 a posé les enjeux et les conséquences du développement des infrastructures à l’échelle planétaire à l’horizon 2050, beaucoup de travaux restent très ancrés dans une démarche d’observation locale ou d’expérimentation unique. La difficulté majeure réside dans la généralisation et la diffusion des bonnes pratiques s’appuyant sur des données scientifiques et des méthodes éprouvées et reproductibles.

 
La démarche française est très structurée avec le réseau des opérateurs d’infrastructures regroupés au sein du CILB, l’IDRRIM4, le programme de recherche ITTECOP5, la FRB6 ou le réseau GASBI7. Son intérêt est d'associer des acteurs opérationnels majeurs et la recherche. Cette interdisciplinarité et la forte présence des sciences sociales caractérisent la démarche française et lui permettent d’avoir une approche intégrée très dynamique et originale dans le monde académique international. Le seul bémol à apporter est justement la visibilité de cette recherche française au niveau international, celui où les expériences peuvent se partager. Or, les enjeux de recherche, comme d’action, dépassent nos simples frontières et il faut viser à s’intégrer ou à piloter des projets majeurs : ANR, H2020, FEDER ou Life+, pour lesquels les acteurs français sont attendus et où ils réussissent. ITTECOP, avec le soutien des membres du CILB et de la FRB, vise justement dans son dernier appel « Fonctionnalités écologiques et territoriales des infrastructures linéaires de transport et de leurs emprises » à encourager le dépôt de tels projets8.
À ce titre, la participation d’un maximum d’acteurs au réseau IENE est une vraie opportunité qu’il faut savoir saisir.
 
 

(1) IENE : Infra Eco Network Europe, www.iene.info/ et site de valorisation de la conférence http://postconf.iene.info/
(2) Voir la déclaration finale de la conférence : Ecological design and maintenance for habitats related to transport infrastructures, www.iene.info
(3) William F. Laurence est professeur à la James Cook University, Australie. Il est membre de l’Australian Academy of Science. Auteur de nombreux articles de référence sur l’évolution des effets des infrastructures dans les pays en voie de développement, il est aussi président du réseau Alert (http://alert-conservation.org/) dédié à la rencontre entre chercheurs et décideurs sur les questions environnementales.
(4) IDRRIM : Institut des rues, des routes, des infrastructures et de la mobilité, www.idrrim.com/
(5) ITTECOP : Infrastructures de transports terrestres, écosystèmes et paysages, www.ittecop.fr
(6) FRB : Fondation pour la recherche sur la biodiversité
(7) GASBI : Groupe d’échange entre aménageurs et scientifiques autour de la biodiversité et des infrastructures, https://gasbi.osupytheas.fr
(8) http://www.ittecop.fr/index.php