Le renouveau des mamelles de la France
Espaces naturels n°8 - octobre 2004
Jacques Lepart
Ecologue - ingénieur de recherches au cefe, umr 5175 du cnrs Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive.
Sully en faisait une des deux mamelles de la France… Or depuis, le pâturage a perdu beaucoup de son importance pour la production agricole. Les agronomes l’ont considéré comme archaïque et l’ont progressivement remplacé par des pratiques permettant un meilleur contrôle de l’alimentation animale : prairies temporaires, stock de fourrages distribués à l’auge, compléments alimentaires…
Bien que l’on puisse exhumer avec profit de vieux travaux (ceux de Voisin en 1960, par exemple 1), le pâturage est aujourd’hui une question assez neuve. Nous avons besoin de références et les gestionnaires d’espaces naturels ont un rôle important à jouer dans leur définition.
Ce travail, dont les implications sont nombreuses (effets des modalités de pâturage sur la flore et la faune, organisation du système d’élevage, comportement ou état sanitaire du troupeau, commercialisation…), nécessite des collaborations variées entre praticiens et chercheurs (agriculteurs, agronomes, écologues, vétérinaires, gestionnaires d’espaces naturels…).
Le maintien de la biodiversité, très lié à l’existence d’espaces ouverts et du pâturage, ne concerne pas seulement les espaces naturels protégés. Cet objectif, associé à la préservation des paysages, ne pourra être atteint que si la profession agricole trouve de l’intérêt à diversifier ses modes d’élevage et à passer d’une incertaine maîtrise au ménagement des systèmes naturels. Les démarches de qualification des produits et des pratiques pourraient y contribuer.
Quels que soient l’intérêt et l’efficacité du pâturage par les animaux d’élevage, il faut éviter d’y voir une panacée. L’histoire agricole de nos paysages montre amplement, de la plaine jusqu’à la moyenne montagne, la prépondérance de la culture. Elle a joué un rôle déterminant dans l’établissement et le maintien de milieux ouverts. Plus haut, les conséquences des brûlis, de la coupe des buissons ou des arbres ont été considérables. Partout, les effets des herbivores sauvages furent importants (Vera, 2000 2) et localement, ils le restent ou parfois le redeviennent. La multiplicité des usages de l’espace est garante du maintien de paysages ouverts et d’une variété d’états de la végétation favorable à la biodiversité. Des recherches sur l’histoire agricole et naturelle nous aideraient sans nul doute à mieux apprécier son importance.
Dans ce numéro d’Espaces naturels, le dossier témoigne d’une étape importante dans la découverte réciproque des gestionnaires de la nature et du monde de l’élevage. Elle ne se concrétisera, pour le futur de nos paysages et de la biodiversité, que si des politiques publiques adéquates sont menées.