Faune sauvage

Responsable soigneur dans un centre de sauvegarde

 

Espaces naturels n°65 - janvier 2019

Management - Métiers

Urgentiste, biologiste, naturaliste, médiateur, manager, formateur, pédagogue… les multiples facettes du métier de responsable de centre de sauvegarde sont méconnues. Elles constituent pourtant un métier de passion.

Des dizaines d'animaux en détresse arrivent chaque jour au centre de sauvegarde © LPO Aquitaine

Des dizaines d'animaux en détresse arrivent chaque jour au centre de sauvegarde de la LPO à Audenge (Aquitaine). Le soigneur doit être réactif et polyvalent. © LPO Aquitaine

IIl n’existe aucune formation académique pour devenir responsable d’un centre de sauvegarde. Certains suivent des formations de soigneurs animaliers en parcs zoologiques, d’autres des formations plus généralistes comme un BTS Gestion et protection de la nature, etc. L’expérience acquise sur le terrain, aux côtés d’autres soigneurs, dans différents centres de sauvegarde(1), constitue l’essentiel de la formation. Ensuite, obtenir un certificat de capacité est une obligation réglementaire. Ce dernier permet de prouver ses compétences dans un domaine bien spécifique (soins aux animaux sauvages : mammifères, oiseaux, reptiles...), en fonction d’une/ plusieurs espèce(s). Accueillir et soigner chaque jour des dizaines d’animaux en détresse requiert une résistance physique et psychologique hors norme : oiseaux marins mazoutés, chevreuils accidentés, phoques blessés, rapaces plombés, à qui il faut faire des soins d’urgence, enrayer les hypothermies, etc. Les causes d’accueil de ces animaux sont à plus de 80 % d’origine anthropique. Le soin aux animaux sauvages relève donc du devoir de compenser les méfaits de l’activité humaine.

UN MÉTIER DE PASSION, MAIS PAS SEULEMENT

Les équipes de soigneurs sont aidées de centaines de bénévoles, issus de tous milieux et de tous âges. L'écclectisme des courageux dévoués aux animaux en détresse n’a d’égal que l’incommensurable variété d’espèces et de pathologies auxquelles ils sont chaque jour confrontés. Mais tous ont un point commun : ils sont ici par passion, par conviction, par volonté d’agir et de se sentir utiles. Les centres de sauvegarde, en plus d’être les services d’urgence d’un hôpital hors du commun, sont aussi des lieux d’échange et d'apprentissage, favorisant le bien-vivre ensemble et l’intégration sociale. Il n’existe pas de journée-type dans un centre. Il faut s’adapter à l’urgence et inventer des protocoles de soins adaptés aux nouveaux cas… Comment soigne-t-on une fracture de la mâchoire chez une couleuvre ? Peut-on relâcher une loutre avec une canine en moins ? Parce que l’on ne peut pas se contenter de soigner. Il faut aussi garantir la survie sans filet, la reproduction avec un partenaire sauvage, dans la nature, sans soigneur, sans médicament, sans nourriture à disposition. Cela nécessite également de bien connaître la biologie de chaque espèce, son trajet de migration, ses méthodes de chasse, sa période de reproduction.

AU-DELÀ DU SOIN

Soixante-cinq pour cent des animaux soignés, en moyenne, sont relâchés dans la nature. Et c’est une victoire magnifique. Que deviennent les autres ? Ils meurent. Faute de solution thérapeutique, de moyens techniques ou financiers. Mais ils ne meurent pas en vain. Ces animaux sauvages, porteurs de parasites, de bactéries, de virus, ou juste victimes de traumatologies, représentent un support d’étude incroyable, qui n’existe ni dans les écoles, ni dans les laboratoires. Les données de biométries ou de pathologies peuvent être comparées, collectées, et trouvent des champs d’applications très divers dans l’univers de la science : épidémio-surveillance, veille sanitaire, médecine vétérinaire, recherche. Si aujourd’hui en France des centres de sauvegarde se battent chaque jour pour sauver des animaux sauvages en détresse, c’est grâce, on l’a vu, à l’engagement de centaines de bénévoles passionnés. Mais c’est aussi grâce à des milliers de particuliers qui nous soutiennent. Grâce à eux, nous pouvons faire l’impossible. Ou presque !

(1) On trouve une cinquantaine de centres de sauvegarde en France. Voir la carte des centres de sauvegarde en Europe : bit.ly/2P8VE7u