>>> entretien avec Mathieu Rocheblave, Parc naturel régional du Vercors

« Rien d’autre que médiateurs »

 
activités de plein air

Espaces naturels n°3 - juillet 2003

Pédagogie - Animation

Mathieu Rocheblave
Chargé de mission Aménagement et activités de plein air au Parc naturel régional du Vercors

 

Conduire une politique de médiation ne s’improvise pas. Pour faire valoir son statut de coordinateur, le Parc du Vercors s’est armé d’outils d’analyse et de données objectivées.

Notre mission est délicate, témoigne Mathieu Rocheblave, chargé de mission au Parc du Vercors. La mise en place du schéma d’organisation des activités de plein air nous oblige à conjuguer des intérêts et sensibilités divergentes. Pour pérenniser les activités sportives, dont nous pressentons qu’elles ont un poids économique important, nous devions gérer les conflits d’usages entre acteurs. Concrètement, sur chaque site, il nous a fallu inventer « le » consensus d’organisation. Et si, prioritairement, nos choix sont guidés par la sensibilité des milieux, nous avons voulu imposer la concertation comme base préalable de travail.
Pour cela, nous avons mis l’accent sur la phase diagnostic. Cette étape préliminaire s’est révélée fondamentale. C’est parce que nous avons d’abord compris comment s’organisent les relations entre acteurs et la logique de fonctionnement des conflits que notre médiation a pu se révéler efficace. D’ailleurs, pour travailler avec la rigueur scientifique nécessaire, nous nous sommes appuyés sur l’université. Elle a initié un programme de recherche qui n’a ignoré ni la dimension sociologique ni la dimension juridique.
S’expriment les rancœurs
Différents sites connaissaient, nous le savions, des conflits d’usages. Nous nous sommes donc penchés sur la pratique de l’escalade, de la descente de canyon, du vol libre, de la spéléologie et, pendant la période 1999-2001, nous avons qualifié ces conflits. Cette connaissance préalable des forces et de la nature des conflits nous a permis, site par site, de proposer des modes de gestion consensuels. Ainsi, lors de rencontres organisées entre élus, professionnels, pêcheurs… nous cherchions à ce que s’expriment les rancœurs et les stéréotypes. Nous tentions de les déconstruire afin de pouvoir, ensuite et ensemble, fonder les bases d’un projet d’organisation acceptable pour tous.
Des données quantifiables
Pour conduire la médiation, il nous fallait des données quantifiables, vérifiables, non discutables. La phase de diagnostic a donc comporté un volet destiné à objectiver le poids et le comportement économique des acteurs identifiés. C’est ainsi qu’entre 1999 et 2001, nous avons réalisé des comptages de fréquentation et l’évaluation du poids économique de chaque activité. En positionnant le débat sur la base de données neutres, nous coupions court aux interprétations. Par ce biais, s’est opérée la prise de conscience des décideurs sur les enjeux économiques de ces activités.
Vous vous en doutiez, nous n’avons pas omis l’approche environnementale. Elle nous a conduits, entre 1995 et 1999, à construire une cartographie écologique. Les informations concernant les milieux supports de l’escalade, du vol libre, de la descente de canyon ont été saisies sur le Système d’information géographique (SIG). Notons tout de même que cette approche ne permet pas de connaître les impacts réels d’une activité. C’est pourquoi il nous semble opportun que,
dans l’avenir, soient réalisées des études
d’impacts préalables à tout nouvel
aménagement.
Le diagnostic nous a également permis de pointer le flou régnant autour du contexte juridique d’exercice des activités sportives. Séances de formation ou encore débats publics : nous avons réagi en dispensant l’information juridique. Par ailleurs, nous avons supervisé la rédaction d’un guide clarifiant l’environnement juridique des activités et servant de manuel de référence pour tous les acteurs et élus du territoire. Cette action a, entre autres, permis de rassurer les élus sur l’engagement de leur responsabilité.
Faut-il conclure ? Tirer les premières leçons ? Je soulignerais combien il est essentiel pour les gestionnaires de bien positionner leur rôle : coordinnateurs du schéma d’organisation, médiateurs, nous devons avoir une position neutre vis-à-vis des différents acteurs et amener des solutions d’ordre organisationnel. Plus tard, dans la phase de gestion nous serons les garants de la mise en œuvre de ce schéma, élaboré de façon consensuelle.