S’équiper à bon escient
Espaces naturels n°3 - juillet 2003
Agnès Lormant
Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie
Investir dans l’acquisition d’un matériel d’entretien spécialisé est une décision importante. Aussi, à l’heure des choix, l’analyse des coûts de gestion apporte un précieux éclairage. Cas pratique en zone humide.
Les engins agricoles conventionnels ne sont pas adaptés à l’entretien des zones humides à fort enjeu patrimonial. Avec une pression de 1 500 g/cm2, leurs roues agressent les sols peu portants. Il est alors nécessaire de recourir à des matériels spécialisés, équipés de pneus à basse pression. Un investissement spécifique et conséquent, qui a conduit le Conservatoire régional des espaces naturels de Rhône-Alpes et le Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie à s’associer pour faire un achat en copropriété. Le choix s’est porté sur deux tracteurs Carraro, très maniables, et qui, avec leurs pneus de 700 mm de large, exercent une pression au sol de seulement 180 g/cm2. L’exploitation en a été confiée à l’Entente interdépartementale de démoustication (EID).
Après six années d’utilisation, un bilan économique, technique et de fonctionnement a été effectué.
Coût horaire
Le bilan économique comprend les charges fixes (provisions pour réparation et amortissement sur quatre ans d’un investissement de 68 000 euros) et les charges variables (salaires, carburant et lubrifiant, entretien et petites réparations, transport, assurances et remisage). Ainsi calculé, le coût horaire d’utilisation d’un tracteur est ressorti à 35,25 euros en 1997, puis réévalué jusqu’à 43 euros en 2002.
Multiplié par le temps passé, le coût horaire permet de déterminer le coût d’intervention à l’hectare. Bien entendu, le temps passé diffère selon la nature des travaux (broyage, fauche…), les caractéristiques du site (portance du terrain, nature de la végétation) et le niveau d’intervention (restauration ou entretien courant). Ainsi, si le coût à l’hectare est de 486 euros pour une fauche d’entretien en site facile, il s’établit à 1 031 euros pour un broyage de restauration en site difficile (cf. tableau).
Temps d’immobilisation
Les Carraro sont véritablement adaptés à l’entretien des zones humides. Ils ont été utilisés y compris pour du débardage de bois en marais. Cette polyvalence est essentielle et constitue un point fort du bilan technique. Par contre, quelques inconvénients peuvent être soulignés : manque de puissance (70 chevaux) ; roundballeuse lourde ; difficulté de montage du broyeur ; relative fragilité du matériel.
La fragilité intervient fortement dans le coût d’utilisation : temps de réparation, pièces et immobilisation. La première année, du fait de l’intervention en milieux jeunes (végétation drue, obstacles…), les dépenses d’entretien ont été conséquentes. Puis, d’année en année, on constate un vieillissement et une augmentation de l’importance des pannes.
Surfaces exploitées
La période de fauche en zone humide court de juillet à septembre et la demande est alors très forte. Cette programmation serrée se complique des contraintes climatiques. Ainsi, on constate une moyenne de quinze jours de pluie par mois, durant lesquels tout travail est impossible. Avec deux tracteurs, le bilan de fonctionnement fait ressortir une capacité maximale d’entretien de 200 ha de prairie de fauche sur trois mois. Soit 4,4 ha exploités (toutes phases comprises) par jour.
Après six années d’exploitation en commun, les deux conservatoires renoncent à une gestion en copropriété, trop complexe. Les matériels seront rachetés par l’EID, qui a démontré son savoir-faire et envisage d’investir pour répondre à de nouvelles demandes. L’analyse des coûts de gestion a joué son rôle.