Sécurité

Sensibiliser aux risques majeurs, comment s'y prendre ?

 

Espaces naturels n°59 - juillet 2017

Pédagogie - Animation

Marie Liégeois, CPIE de l'Aisne, m.liegeois@cpie-aisne.com

Éduquer à l'environnement, c'est aussi parler de ce qui fait peur. Tempêtes, inondations, submersion… Les CPIE de Picardie parlent de culture du risque.

En France, plus de 17 millions d’habitants sont exposés au risque d’inondation. © CPIE-AISNE

Paradoxalement, 72 % des Français qui vivent en zone inondable ne pensent pas être exposés à un risque d'inondation. En France, plus de 17 millions d’habitants sont exposés au risque d’inondation. Ce devrait être un sujet majeur de l'éducation à l'environnement. Mais au premier regard, les risques majeurs n’offrent pas d’entrée facile. Ils ne bénéficient pas de l’attractivité spontanée que véhiculent certains sujets environnementaux. Pourtant, lorsqu’on travaille ces questions plus en profondeur, on découvre une multitude de sujets connexes plus à même d’intéresser tout un chacun. Depuis plus de quinze ans, les CPIE de Picardie ont fait le pari que l’information préventive et la sensibilisation aux risques seront d’autant plus pertinentes qu’elles emprunteront des chemins de traverse.

Comment se traduit concrètement ce pas de côté que nous nous proposons de faire ? En 1987, dans son ouvrage La société vulnérable, Jacques Theys écrivait : « Il se pourrait bien que dans le futur, la principale vulnérabilité des sociétés soit justement son incapacité à construire une culture sociale, adulte, démocratique, ouverte, et pas seulement technique, du risque ». Son propos reste tout à fait d’actualité et cette phrase résume très bien notre angle d’approche sur le sujet. Parce que les CPIE sont des « artisans du changement » et non des experts, parlant une langue d’experts en direction d’autres experts, nous avons souhaité aborder les risques d’une manière différente. Nous avons cherché des solutions pour rendre accessible ce sujet complexe, sans pour autant le bêtifier, avec pour volonté d’améliorer l’information préventive pour diminuer la vulnérabilité des sociétés.

Pendant des années, les risques ont été envisagés sous l’angle presque unique de l’aléa. C’est ainsi que s’est construite une culture très technique et réglementaire de ces questions. Il s’agissait de « lutter contre ». Les solutions techniques ont aujourd’hui atteint leurs limites (techniques, financières et environnementales). Il n’est plus concevable de dresser des barrages partout où l’on veut empêcher l’eau de couler. L’ère du « faire avec » a progressivement fini par arriver, faisant émerger du même coup un intérêt croissant pour les solutions visant à réduire la vulnérabilité. 

POUR SENSIBILISER LE GRAND PUBLIC AUX RISQUES MAJEURS, C’EST PAR LA PORTE DE LA VULNÉRABILITÉ QUE NOUS ENTRONS DANS CETTE THÉMATIQUE.

C’est en parlant de vie quotidienne, d’espace vécu et d’espace perçu que nous parvenons à déclencher un intérêt pour ces questions. Notre objectif n’est pas d’apeurer, mais de faire prendre conscience qu’il existe des risques, avec lesquels on peut choisir de vivre, à condition qu’on en ait connaissance et que l’on sache quel comportement adopter lorsqu’ils surviennent.

Un des fléaux de la culture du risque serait l'absence de mémoire des catastrophes. Mais pourquoi les sociétés ont-elles tendance à oublier ? Parmi les nombreuses pistes de réponses souvent évoquées, la mobilité croissante des populations en est une.

Alors que la génération de nos grands-parents ne déménageait pas ou très peu, celle de nos parents a commencé à être plus mobile. On estime que les jeunes adultes d'aujourd'hui auront en moyenne déménagé six fois au cours de leur existence. Dans ces conditions, la culture du risque est difficile à faire émerger, précisément parce que la culture des territoires sur lesquels on vit est absente ou presque. La culture du risque ne se décrète pas, elle s'apprend. Elle ne peut pas être uniforme ou homogène sur les territoires car elle est avant tout une culture du territoire lui-même. Sans connaissance de son environnement proche, aucune société ne pourra prétendre développer cet apprentissage.

DES FILMS CATASTROPHE COMME SUPPORTS

L’idée de choisir des films catastrophe comme support de sensibilisation peut sembler saugrenue à première vue. Et pourtant, le constat est simple : tout ce qui gravite autour des questions liées aux risques majeurs est complexe, austère, très peu vulgarisé, codifié à outrance... Inintéressant et incompréhensible pour le grand public. On peut le regretter, mais c’est un fait.

Paradoxalement, les catastrophes fascinent la plupart des gens. Elles donnent à voir des images cataclysmiques qui interrogent notre condition humaine. Les films catastrophe, contrairement à toute attente, constituent d’excellents supports pédagogiques pour aborder les notions de risque, d’aléa, de vulnérabilité et de résilience, tant le trait y est forcé. Contrairement aux ciné-débats classiques souvent programmés pour aborder des notions liées à l’environnement, l’idée n’est pas de projeter un documentaire pour faire acquérir des connaissances à un public qui pourrait ensuite débattre d’une question. Ce que nous projetons est une pure fiction, dont les liens avec la réalité sont plus que discutables et qui met en scène des situations exactement opposées à tout ce qui peut être préconisé en gestion de crise.

Notre idée consiste à travailler sur une caricature pour rendre accessibles des concepts complexes afin de les remobiliser dans un débat de manière plus nuancée.

Chaque séance dure environ 2h30. Une courte introduction permet aux participants de disposer des clés nécessaires pour décrypter le film grâce à une grille de lecture. Elle leur permet de repérer les moments dans le film où il est question d’aléa, de vulnérabilité, de risque, de catastrophe ou de résilience. L’introduction apporte également quelques éléments sur les différentes typologies de films catastrophe, leurs ingrédients, leur fonctionnement et leur logique récurrente.

À la fin de la projection, un débat est lancé par l’animateur. Les échanges abordent généralement les distorsions entre la réalité et la fiction, la question des « bons » comportements à adopter en cas de crise, l’information de la population. Ces débats sont toujours très riches et très conviviaux !