Ventoux

Améliorer les pratiques par l’engagement

 

Espaces naturels n°48 - octobre 2014

Le Dossier

Arnaud LARADE
chercheur et ancien chargé de mission MAB

 

Une idée venue du terrain : créer un instrument pour que les entreprises puissent se faire valoir de leur présence dans un espace reconnu par l’Unesco. Comité français du Mab et vitiviniculteurs co-construisent une charte d’engagements volontaires.

© Catherine Cibien - MAB

Répondant aux principes de gestion d’une réserve de biosphère, la charte d’engagement ne sera pas une marque. Elle devra être co-construite avec les partenaires du territoire, elle devra constituer une forme de contractualisation entre un acteur socio-économique qui prend des engagements volontaires (et à sa portée) et le coordinateur de la réserve de biosphère, qui s’engage à donner un droit d’usage de la mention spéciale à l’acteur. La charte devra être conçue et gérée comme un « bien commun » et les modalités de contrôle et de sanction devront être celles du contrôle social, par les pairs.

La revue de littérature et les expériences passées nous ont très tôt permis d’identifier le risque avéré de mascarade écologique et donc de dépréciation de la charte d’engagement. Les dispositifs de conservation de la nature sont parfois perçus comme des contraintes n’apportant pas d’avantages comparatifs particuliers. Conception fondée ou argumentation stratégique, tels sont les discours de certains acteurs socio-économiques qui vivent dans ou autour des espaces protégés et notamment dans les réserves de biosphère, pourtant peu « coercitives ».

En tant que pilote de sa co-construction, avec Catherine Cibien, directrice nationale, nous avons donc immédiatement promu l’idée de voir représentés dans les instances de gouvernance de la charte d‘engagements, des porteurs d’intérêts de la biodiversité, des acteurs dont la conservation de la biodiversité est l’objectif central. Cette proposition a été faite dès les entretiens préliminaires aux acteurs socio-économiques moteurs, qui l’ont d’abord reçu avec scepticisme : « on ne va pas pouvoir avancer avec des gens qui regardent les petites bêtes ! ». Finalement le projet passe. Le seul argument d’une éventuelle dépréciation a-t-il suffi à convaincre absolument ? Pour répondre, il est intéressant d’élargir le cadre d’observation.

Les vitiviniculteurs du mont Ventoux constituent une petite AOC au sein d’une importante interprofession qui est celle des vins des Côtes du Rhône. Dans cette situation, les vins du mont Ventoux ne possèdent aucune marge de liberté pour se faire valoir. En 2010, les ventes de vins subissent une crise sans précédent. Par ailleurs, cela fait quatre années que la profession investit dans les sollicitations de différents promoteurs de l’idée de charte d’engagement et en 2010, cet investissement a été plus conséquent du fait de la promesse affichée de voir émerger les règles d’attribution et de contrôle de la charte au début de l’été. C’est donc dans un contexte de très faibles marges de manoeuvre et en ayant investis un certain nombre de ressources que les vitiviniculteurs du mont Ventoux ont accepté l’idée de voir représentés, dans les instances de gouvernance de la charte d’engagement, des porteurs d’enjeux de biodiversité. Dit autrement, c’est cette situation de gestion particulière qui a facilité l’acceptation de référents du monde de l’écologie dans les instances de gouvernance de la charte d’engagement.