Politiques Publiques

Des marques au service d’objectifs stratégiques

 

Espaces naturels n°48 - octobre 2014

Le Dossier

Isabelle Peyrat
Apie, chef de projet

 

Phénomène nouveau, des entités publiques développent à côté de leur marque institutionnelle, des marques à vocation commerciale, au service de leurs missions et objectifs stratégiques. Point sur les enjeux d’une telle démarche et ses implications pour l’entité concernée

© PNR des Pyrénées ariégeoises

Aux côtés des signes d’identification de l’origine et de la qualité (AOC, IGP, AOP, Label rouge, AB…), les marques de « reconnaissance » telles que Produit en Bretagne, Bienvenue à la ferme, Sud Ouest, Gîtes de France, Bistrot de pays, Villes et villages fleuris se multiplient dans tous les secteurs, du produit alimentaire à la prestation d’hébergement ou de loisir. Nombre de structures publiques, ou ayant des missions de service public, notamment en lien avec la gestion de la nature et la protection de la biodiversité, réfléchissent à se lancer dans l’aventure ; dans ce contexte et partant de l’expertise de l’Apie en matière de marques dans le domaine public, il est important de rappeler les enjeux d’une telle démarche et ses implications pour l’entité concernée.

En effet, développer une marque ne se résume pas à trouver un nom, créer un logo et à communiquer, mais implique un travail beaucoup plus profond, en lien avec les objectifs et les valeurs de l’entité, l’élaboration d’une véritable stratégie de marque et une approche méthodologique spécifique. 1ère étape avant de se lancer : mener une réflexion stratégique en amont, pour se poser les bonnes questions et formaliser son projet. Il s’agit notamment : d’être clair sur les objectifs assignés à la marque, de bien cerner l’environnement concurrentiel dans lequel elle va s’inscrire, d’identifier les différents publics visés et de comprendre leurs besoins, de choisir la marque la plus adaptée (fautil créer une nouvelle marque, qu’il sera coûteux de faire connaître, ou capitaliser sur une marque existante ? et comment positionner la marque par rapport à la marque institutionnelle ?), et enfin de s’assurer que l’entité a les moyens humains et financiers de ses ambitions.

Cette phase de réflexion et de challenge est indispensable, afin de s’assurer que le choix de développer une marque est pertinent pour l’entité publique et s’inscrit dans sa stratégie globale. Le projet de marque peut parfois être abandonné à ce stade, pour différentes raisons (manque de moyens pour soutenir la marque, marché déjà très encombré, projet en contradiction avec les valeurs de l’entité…), ou au profit d’un autre levier, plus efficace ou plus approprié. Cette 1re étape permet également de bien formaliser son projet et de pouvoir passer à l’étape suivante, la construction de la marque (ou la redéfinition d’une marque existante). Ce travail est généralement confié à des prestataires spécialisés, qui vont définir, sur la base d’un cahier des charges, l’ensemble des éléments constitutifs de l’identité de la marque, à savoir :

Un sens : constitué par la promesse de la marque (ce qu’apporte la marque aux publics visés), son positionnement sur le marché, ses valeurs, sa différence (quels sont ses atouts par rapport aux marques concurrentes). Cette identité est formalisée dans un outil, la plateforme de marque, qui permet la diffusion de l’identité de la marque aux différents acteurs et sert de fil rouge à l’ensemble des actions de la marque.
Des signes : constitués par le nom de la marque, son identité visuelle (logo et charte graphique), sa façon de communiquer. Ces éléments doivent être choisis en cohérence avec le sens de la marque, et de façon à favoriser sa mémorisation et sa visibilité. Il est important de sensibiliser les prestataires, notamment s’ils ne sont pas familiers de la sphère publique, sur la nécessité de construire la marque dans le respect des valeurs du service public et des missions de l’entité concernée.

Une fois la marque définie, il s’agit de la lancer sur le marché, de la faire connaître à ses publics et de l’animer, à travers des actions qui viennent incarner, prouver et donner consistance à son positionnement. C’est l’ensemble de ces actions porteuses de l’identité de la marque, cumulées dans le temps, et leur cohérence, qui vont permettre de construire une marque forte et crédible. Cela peut supposer des investissements financiers qu’il convient d’évaluer au préalable.

Lancer une marque implique donc une gestion dans la durée, pour adapter la marque aux évolutions des besoins et de son environnement, et suppose de disposer en interne des compétences adéquates. Ainsi, pour les entités publiques qui envisagent de développer une marque dans le champ commercial, il est important de bien évaluer les implications d’un tel projet, en termes stratégique, d’organisation, de compétences et d’investissements financiers et humains. Il est également nécessaire de garder à l’esprit que cette démarche, en tant que prolongement de leur mission de service public, doit porter leurs valeurs et servir leurs objectifs stratégiques. C’est à cette condition que la marque peut être un levier efficace pour l’entité et c’est aussi ce qui constitue l’atout différenciant des marques publiques par rapport aux marques de la sphère privée : leur fondement, l’intérêt général, et leur objectif, la mission de service public, qui les dotent de valeurs extrêmement positives et d’un capital confiance très fort pour les publics.