L’auto, stop !

 
Est-ce acceptable pour le public ?

Espaces naturels n°16 - octobre 2006

Le Dossier

Anne Vourc’h
Directrice du réseau des Grands sites de France

Le public est prêt. Sans doute plus prêt que ne le croient les décideurs techniques, ou élus, à renoncer à la voiture. L’expérience des sites qui ont fait reculer les voitures le montre assez
sûrement. En 1989, quand parmi les solutions envisagées, l’hypothèse de faire reculer le stationnement de la pointe
du Raz a été émise, que n’a-t-on pas entendu ! « Jamais les gens n’accepteront de marcher ! », « Vous voulez faire fuir nos touristes ! », « Vous avez pensé aux personnes âgées et aux familles ? » Encore ne s’agissait-il que d’un recul de un kilomètre, sur un site en cul-de-sac ! Mais il a fallu aux élus locaux un courage certain pour faire ce choix, d’où la décision de l’accompagner par la mise en place d’une navette au gaz naturel offrant à ceux qui le souhaitent la liaison entre les lieux de stationnement et l’extrémité de la pointe.
Contrairement à toutes les craintes, ce nouveau fonctionnement a été très vite plébiscité par les visiteurs très « grand public » qui y découvraient un site naturel réhabilité, des aménagements de qualité, des services, des cheminements repensés dans leur parcours de façon à diversifier les approches et les points de vue sur un site comme « élargi » du fait du recul de sa « porte d’entrée ».
La perception de la voiture est sans doute en train de changer dans l’opinion. Non pas que les valeurs de confort et d’autonomie qui y sont attachées soient remises en cause, mais les aspects négatifs (pollution, nuisance, accident) sont plus présents dans les esprits. Un sondage TNS Sofres de 2003 montre que l’utilisation de la voiture est essentiellement un usage contraint, car si 85 % des Français sont utilisateurs de la voiture, ils ne sont que 45 % à la citer comme mode de transport préféré.
Et si proposer d’abandonner nos « vaches sacrées » aux abords des sites naturels n’était plus vécu comme une contrainte insupportable ? Et si accéder à des sites naturels débarrassés des voitures était effectivement ressenti par un public
de plus en plus large (au-delà des con-vaincus d’avance) comme un « plus » en termes d’environnement, de qualité de visite et de balade ? À condition que le changement ne soit pas mis en place comme une punition, mais présenté positivement par le gestionnaire et accompagné d’un véritable message sur le sens de la mesure et d’informations pratiques associées facilitant la vie du visiteur (temps, difficultés, services sur le site, horaires de navettes lorsqu’elles existent…).
Les plus récalcitrants sont souvent ceux qui ont des habitudes ancrées au site : au-delà des professionnels locaux (éleveurs, agriculteurs, forestiers…) pour lesquels des mesures dérogatoires sont faciles à mettre en place et à justifier, il est plus difficile de convaincre les régionaux habitués des lieux, ou de gérer les contraintes particulières de ceux qui partent au petit matin pour les courses en montagne par exemple. Le pragmatisme doit prévaloir, mais, là aussi, attention à l’information de ceux qui ont fait l’effort de laisser leur voiture à la porte… et découvrent des poches de parkings combles en pleine nature !