Un service de navettes peut-il être gratuit ? Débat éthique, mais aussi juridique et, plus prosaïquement, financier.

Qui va payer ?

 

Espaces naturels n°16 - octobre 2006

Le Dossier

Anne Vourc’h
Réseau des Grands sites de France

 

Il faut le dire d’emblée : l’instauration d’un service de navettes est coûteux. Il en est ainsi même lorsque l’on use de véhicules existants tels des cars de ramassage scolaire, inutilisés l’été. En effet, en comparaison du coût d’amortissement des véhicules ou encore de celui des carburants, le salaire du (des) chauffeur(s) constitue le poste budgétaire principal.
Dès lors, le gestionnaire est confronté à la question du mode de financement du service. Sera-t-il supporté par la collectivité ou par les usagers ?
S’agissant des espaces naturels, le débat est souvent placé sur le plan des grands principes, celui de la
gratuité ou non de l’accès à la nature. Pour répondre on peut alors se référer au droit. Dans son article (page 13 de ce numéro), Claudine Zysberg explique clairement les obligations juridiques liées à la liberté d’aller et venir. L’accès à un espace naturel ne peut être payant. En revanche l’usager peut être amené
à payer un service rendu, celui du parking de son véhicule, de son déplacement en navette. En conséquence, un randonneur à pied, en vélo, à cheval… sans voiture à stationner et délaissant la navette accède sans payer à la haute montagne ou à la plage.
En pratique, trois politiques différentes de tarifi-cation des navettes se dégagent :
w la gratuité : une option incitative prise par des sites en phase test (les deux premières années sur la route des Crêtes), ou afin de ne pas ajouter à la contrainte l’idée « qu’en plus, il faudrait payer pour aller dans la nature ». La navette est un service offert au visiteur un peu en guise de compensation, celle de devoir abandonner sa voiture. Dans ce cas, c’est la collectivité qui finance le coût du service.
w la navette payante : 1 e en Clarée et 2 e le pass journalier sur la route des Crêtes. La tarification ne couvre quasiment jamais la totalité du coût d’exploitation, plus ou moins largement pris en charge par la collectivité. Le Puy-de-Dôme présente un cas assez exceptionnel d’autofinancement du service à 100 % par l’usager, avec un tarif par passager de 4 e aller/retour par adulte (1 e par enfant).
w le service global payant : le visiteur ne paie pas la navette, mais finance, au travers du paiement du
parking par exemple, un ensemble de services incluant la navette.
À la pointe du Raz, le stationnement à l’entrée du site est payant (5 e par voiture). Ces recettes permettent d’autofinancer l’entretien du site par le syndicat mixte gestionnaire, et, en sus, de mettre une navette à disposition du public.
Là encore, l’information du public est essentielle. Information sur le coût des services, aménagements et aménités dont il bénéficie directement mais aussi, au-delà, sur le coût de la préservation et l’entretien des espaces naturels et patrimoniaux. Le public doit comprendre que disposer d’espaces naturels de qua-lité, riches du point de vue de la biodiversité, gérés, organisés pour y accueillir du public… signifie de faire appel à du personnel et d’y affecter des moyens. Autant de choses qui ont un coût.
Alors qui doit payer ? Le contribuable ? L’usager direct ? Un peu les deux sans doute1. Le public est parfaitement à même de comprendre et d’accepter de participer à l’entretien et à la protection des sites qu’il visite. À condition cependant d’être informé du sens et de la destination de sa contribution financière. À condition aussi qu’il ait des garanties quant à son utilisation.

1. Voir la publication Sites naturels. Contribution du tourisme à leur gestion et à leur entretien, Anne Vourc’h et Jean-Marc Natali, Urbanis/Odit-France, la Documentation française, 2003.