Beaucoup d’énergie. Pour rien ?

 
Le Parc naturel régional de Loire-Anjou-Touraine a failli enterrer ses choix

Espaces naturels n°25 - janvier 2009

Le Dossier

Florence Busnot-Richard
Chargée de mission ingénierie de l’environnement et énergies Parc naturel régional de Loire-Anjou-Touraine

 

Pour ou contre l’éolien ? Le Parc naturel régional de Loire-Anjou-Touraine souhaitait simplement prendre en compte la question de l’énergie1. Mais, parce qu’il était l’initiateur de ce débat, il s’est trouvé, presque malgré lui, plongé dans la prospective. En effet, pour sortir de la controverse houleuse et stérile sur l’énergie éolienne, l’idée est née d’avoir une vision globale des enjeux énergétiques du territoire à l’horizon 2050 (à cette date, la France s’est engagée à ce que ses émissions de carbone soient divisées par quatre).
L’étude prospective passait par une phase d’élaboration de trois scénarios d’avenir.
Or, là, tout se complique. Enthousiastes pour cette démarche, les élus du parc choisissent le scénario le plus ambitieux. Plutôt que le « laisser faire », qui mettait la société en péril, ou encore le scénario « l’énergie, facteur de développement économique », qui portait la dimension sociale mais s’intéressait trop peu au pilier environnemental du développement durable, les élus retiennent le scénario « facteur 4 ». À la grande surprise d’ailleurs du bureau d’étude.
Flamme sans lendemain ? Il est vrai que, confronté aux actions à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif, l’enthousiasme de cette décision s’est rapidement effrité. En effet, sans changement du niveau de vie des habitants, cette hypothèse réclamait tout de même de profondes mutations de la société. Pour exemple cette mesure levier : moins d’un véhicule par foyer. En milieu rural, une telle orientation demande un courage politique fort. Plus globalement, la mise en pratique du projet générait des propos difficiles à entendre par les élus locaux.
C’est ainsi que, sans renier les choix éthiques, la démarche prospective s’est mise à évoluer dans un autre climat, plus circonspect. Emploi, pouvoir d’achat, liberté, la majorité des élus s’est retranchée derrière un principe de réalité. Et, alors que les choses avaient démarré dans une ambiance d’inventivité, elles s’inscrivaient tout d’un coup dans un temps long, très long : « Tout ça, c’est pour 2050 » ; « On laisse le parc à ses utopies et chacun gère au mieux les problèmes du quotidien ».
Heureusement, tous n’avaient pas baissé les bras.
Face à l’ampleur de la tâche, qui à ce stade ne s’intitulait pas « prospective » mais juste « schéma énergétique de territoire », tout avait été fait, dès le début, pour informer et solliciter les acteurs locaux ; partie prenante par ailleurs de la mise en œuvre des actions.
Présentée au grand public, l’étude a été défendue par les élus les plus motivés. C’était en février 2007. Le scepticisme régnait dans l’assemblée.
Ceux qui y croyaient vraiment savaient qu’il faudrait encore se battre pour défendre le projet.
À ce stade, une première conclusion s’impose. Elle touche au risque, avec la prospective, d’aboutir à des scénarios qui vont au-delà de ce que l’on imaginait, voire pis encore… à l’encontre du sens souhaité.
Et pourtant ! On ne mobilise pas, pendant plus d’un an, des dizaines de personnes sur une telle démarche, juste pour se faire plaisir. Si l’exercice ne se traduit pas politiquement, il n’est qu’un jeu d’experts, sans grand intérêt.
Heureusement, un élément déclencheur allait venir de l’extérieur. Le « Grenelle de l’environnement » allait permettre, de juin à décembre 2007, de faire changer les mentalités.
Si le « Grenelle de l’environnement » arrivait aux mêmes conclusions que les nôtres, chacun pouvait tirer une fierté d’avoir eu une longueur d’avance sur le sujet. La situation se renversait : le schéma énergétique n’était plus en ballottage, bien au contraire.
Cependant, une chose est sûre, sans le « Grenelle de l’environnement », le travail de prospective aurait probablement eu des difficultés à sortir de l’exercice de style. Pourtant, ce n’était pas une réflexion à huis clos entre scientifiques. Élus, associations et professionnels ont collaboré au projet.
Faire de la prospective, c’est regarder en face nos potentielles erreurs, c’est risquer de contrarier des habitudes, des projets, de générer des craintes. Sans courage politique, inutile de se lancer. Mais, surtout, retenons que la prospective n’est possible que par l’adhésion du plus grand nombre qui donne le crédit à toute démarche. L’idéal, c’est de jouer le jeu de la démocratie participative.

1. Une trentaine de parcs ont mené de tels diagnostics ou schémas sur l’énergie et le changement climatique.
Par les débats qu’il suscite, sur ses évolutions possibles, ce thème favorise, pour le traiter, le recours aux démarches prospectives.
En savoir plus : Philippe Moutet
>>> pmoutet@parcs-naturels-regionaux.fr