La prospective en actions

Fréquentation horizon 2030

 
Les acteurs de trois territoires veulent infléchir l’avenir. Méthode pour une recherche-action.

Espaces naturels n°25 - janvier 2009

Le Dossier

Charlotte Michel
Ingénieure conseil, Usages et territoires

 

Revisiter « la fréquentation des espaces naturels » en se projetant à vingt ans avec les personnes qui construisent aujourd’hui les conditions de l’ouverture de ces espaces, c’est le pari lancé par la démarche Frenes 20301. Ce pari est celui d’une prospective dite chaude, centrée sur un processus d’animation collective. Un exercice qui s’est construit sur une démarche créative, imaginative et valorisant l’expertise empirique des acteurs en situation. À l’inverse d’une approche par le pôle froid faite de dires d’experts ou de scientifiques et basée sur la construction de modèles.

Trois territoires pour une expérience : Frenes 20301. La prospective « chaude » en action ! Le Parc naturel régional des landes de Gascogne, la vallée de la Somme et le Parc national du Mercantour, se sont ainsi livrés, depuis mai 2006, à un exercice sur la fréquentation des espaces naturels. Le processus consistait à se projeter en 2030 pour imaginer les futures pratiques de loisirs, les paysages, le cadre de vie, les conflits d’usage, le prix du transport, le pouvoir d’achat, etc.
Sur chaque territoire, le travail a été piloté par des groupes d’acteurs locaux désireux d’animer une nouvelle réflexion collective sur cette question2.
La méthode retenue avait pour but d’engager des rencontres entre différentes cultures d’actions3, en amont de la gestion des conflits d’usage ou des projets d’aménagement. La qualité d’écoute visait à l’expression des peurs, des idéaux. Il s’agissait également de montrer la nature pluridimensionnelle de la problématique « fréquentation ». Enfin et surtout, il fallait susciter une réflexion collective pour partager les visions d’avenir sans nier les divergences d’intérêt.
Pour cela, des groupes locaux de différentes cultures (sport, écologie, tourisme, agriculture, politique…) ont été initiés à la prospective. Chaque participant a croisé ses réseaux avec ceux des autres pour définir une liste de personnes (entre 15 et 20 par territoire) ; puis a mené des entretiens avec celles qu’il connaissait le moins. Un intervenant extérieur accompagnait cette démarche. L’occasion était offerte d’échanger sur les visions d’avenir : l’évolution du climat, les relations sociales en monde rural, les déplacements ville-campagne, l’accès aux loisirs… Le thème de la fréquentation se prête particulièrement bien à l’exploration globale du devenir des territoires.
Ces réflexions se sont poursuivies lors des présentations des scénarios aux acteurs. La liberté des échanges a été d’autant plus appréciée du fait de l’hétérogénéité du public : élus, commerçants, agriculteurs, sylviculteurs, chasseurs, pêcheurs, professionnels de loisirs, membres d’association, citoyen, personnels des parcs régionaux ou nationaux et des collectivités locales…
La méthode se voulait facile à mettre en œuvre, souple et économe, efficace. Elle a connu aussi quelques contraintes et limites.
La charge de travail demandée aux membres des équipes locales a été vécue comme importante. Pour autant, se limiter à une petite vingtaine d’entretiens a été difficile. Un accompagnement extérieur (au minimum) s’est révélé nécessaire pour apporter une base de technique prospective et guider les équipes.
Par ailleurs, l’utilisation des résultats dans d’autres démarches participatives (charte, animation de commission, Sage, projet de territoire) ne se réalise pas spontanément. Les équipes doivent anticiper bien en amont pour exploiter au mieux les scénarios et la dynamique collective lancée : se demander dans quelles démarches, à quel titre et de quelle façon ces scénarios vont continuer à alimenter des réflexions ancrées dans l’action.
Pour allier simplicité de l’approche, rigueur et pertinence, l’équilibre reste subtil à trouver.

1. Fréquentation des espaces naturels études scénarios pour 2030.
2. L’équipe chargée de la coordination est constituée de quatre intervenants : Charlotte Michel (Usages et territoires), Célia Barbosa (INDL), Patrick Moquay (Cemagref), Sébastien Treyer (AgroParistech). L’étude a été portée par l’Institut national du développement local, le ministère des Sports et celui en charge de l’environnement.
3. Logiques d’actions portées par les différents acteurs. Elles résultent de leur histoire collective et forgent une culture déterminant et motivant leur façon d’agir.