Les collectivités médiatrices
Espaces naturels n°13 - janvier 2006
Charlotte Michel
Ingénieure conseil Usage et territoires
Olivier Reymbaut
Pôle ressources national sur les sports de nature
Neutre par définition, le médiateur cherche à concilier des intérêts divergents. Les collectivités locales peuvent-elles revendiquer cette légitimité ?
L’organisation des sports de nature se trouve à l’interface des préoccupations environnementales, économiques, éducatives, sociales comme d’aménagement du territoire. Cependant, cette interface n’est pas toujours pacifique. Leur pratique concurrence parfois d’autres usages (chasse, pêche ou autres sports de nature notamment) ou engendre la modification de l’affectation des lieux (agriculture, préservation environnementale, etc.) en leur apportant parfois une nouvelle valeur socio-économique. Les uns défendent leur site, les autres leur tranquillité, les troisièmes la préservation des milieux, les quatrièmes leur activité économique, etc. Ces tensions peuvent se stabiliser et se transformer en un équilibre gagnant/gagnant mais elles peuvent aussi dégénérer et provoquer des conflits.
Une légitimité possible
L’expérience montre que les collectivités locales, quand elles sont intéressées par la préservation des milieux et par le développement des territoires, ont un rôle légitime à jouer pour faciliter des régulations constructives et concertées. Ces régulations se rapprochent souvent de la médiation territoriale à l’image de celle menée dans le canyon du Tayrac en Aveyron. En 2001, ce lieu était l’objet de querelles entre professionnels encadrants, pêcheurs et riverains. Le maire de la commune de Saint-Jean du Bruel, soutenu par le Parc naturel régional des Grands Causses, a réuni les protagonistes afin qu’ils définissent les modalités d’un accord mutuel. La répartition spatiale et horaire des usages comme l’approbation d’un code de « bonne conduite », formalisées par une convention discutée chaque année, ont permis une fréquentation durable du canyon dans le respect des autres usages et des objectifs de préservation environnementale.
Cet exemple souligne le rôle implicite de médiateur des collectivités locales et ceci pour plusieurs raisons. Premièrement, elles sont proches des situations de gestion et perçoivent donc l’importance des enjeux. Ensuite, elles sont sensibles aux préoccupations des acteurs locaux qui se tournent aisément vers les élus en cas de conflit. Troisièmement, si elles veulent être garantes de l’application des principes du développement durable sur leurs territoires, elles doivent chercher à concilier des intérêts parfois divergents dans les champs de l’intervention sociale, économique et environnementale.
D’autres compétences
Parfois cependant, elles n’occupent pas cette place, elles ne veulent pas s’impliquer car trop peu concernées, incompétentes ou parties prenantes. D’autres acteurs peuvent alors venir s’y substituer à la demande des parties ou de leur propre initiative : l’État par la voix du préfet ou de l’un de ses services (DDJS, DDAF, Diren), une association, un médiateur professionnel, etc. Le rôle particulier du Conseil général est à souligner. Compétent depuis 2000 (art. 50-2 de la loi du 16 juillet 1984) pour favoriser le développement maîtrisé des sports de nature, il doit élaborer un plan départemental 1 destiné à gérer les lieux de pratiques sportives, sur proposition de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI). Naturellement, cette commission consultative est souhaitée représentative de l’ensemble des acteurs concernés par la gestion et le développement des sports de nature. Cette instance pourrait notamment devenir, si le Conseil général et les membres de la commission le souhaitent, un lieu, parmi d’autres, efficace pour la régulation des conflits d’usages. Cela ne veut pas dire qu’elle assurera désormais à elle seule la régulation mais c’est une nouvelle alternative qui s’offre aux acteurs pour veiller au développement durable d’espaces de nature ouverts au plus grand nombre.