>>> Gestion contractuelle en Brenne

Accrocs dans le contrat

 

Espaces naturels n°13 - janvier 2006

Le Dossier

Bruno Dumeige
Parc naturel régional de la Brenne

 

Après douze ans de gestion contractuelle dans le cadre d’un Life nature (entre 1993 et 2005), le Parc naturel régional de la Brenne et la Ligue pour la protection des oiseaux font le bilan…

N’y revenons pas : la gestion contractuelle offre des avantages. Parmi eux, l’implication des acteurs locaux non naturalistes, la co-construction des cahiers des charges avec les représentants des gestionnaires de l’espace, l’intégration de la protection de la biodiversité dans les activités économiques… Mais cette démarche induit également des fragilités, c’est du moins, ce que l’expérience nous amène à constater après douze ans de travail.
Venons-en aux faits : le programme Life nature comprenait un volet important de conventions de gestion avec des propriétaires privés. Totalisant plus de 850 ha, ces conventions portaient sur des milieux non agricoles : landes, étangs, marais alcalins, et permettait une indemnisation financière à l’hectare.
En 1993, la phase préliminaire a consisté à élaborer des cahiers des charges avec des représentants des pisciculteurs, des agriculteurs, des chasseurs… La promotion de ces contrats a alors été assurée à la fois par le syndicat des pisciculteurs et, plus sûrement, par contact individuel relayé par les animateurs du programme (toujours accompagnés d’un élu du Parc : le président de la commission Patrimoine naturel).
Afin de rassurer les propriétaires inquiets sur cette procédure « innovante », la première convention était signée pour une année. Durant cette période, les naturalistes effectuaient un diagnostic écologique. Il permettait d’identifier si des travaux de restauration de milieu devaient être envisagés ou si une gestion conservatoire par le pâturage d’animaux rustiques était nécessaire.
Pendant ce même laps de temps, et donc avant la renégociation des contrats pour quatre années avec les propriétaires, un voyage d’étude au marais Vernier fut organisé. Il permit de découvrir l’expérience d’écopastoralisme et le point de vue très positif de chasseurs sur cette technique de gestion de milieux. Convaincus de l’intérêt de cette gestion, quatre propriétaires de Brenne acceptèrent de souscrire, non une convention sur quatre ans, mais un contrat sur dix ans dont seulement quatre années étaient indemnisées ! La demande auprès des propriétaires de contrats de longue durée se justifiait par des investissements lourds d’achats de troupeaux, de création de clôture, de gyrobroyage de ligneux pris en charge financièrement par le programme Life.
Douze ans après
Le bilan des dix-neuf conventions signées pour cinq années doit être consigné avec clairvoyance et sans positivisme outrancier. S’il est exact que la majorité des propriétaires respecte globalement les termes des cahiers des charges, on peut cependant observer quelques accrocs fâcheux. Il est en effet difficile, pour les propriétaires, d’apprécier l’impact défavorable de certaines pratiques pour la biodiversité. Et ce, d’autant plus que ces pratiques sont ancestrales. De même, il n’est pas aisé, pour eux, de saisir en quoi une pratique sans conséquence à un endroit aura un effet destructeur ailleurs.
Il faut savoir en tirer les leçons et retenir qu’une politique de gestion contractuelle nécessite une animation soutenue durant toute la durée du contrat. Formations légères, conseils techniques et forte présence de terrain… il est nécessaire de développer une « culture de la biodiversité » chez les gestionnaires de l’espace, engagés dans ces contrats.
La question de la pérennité est également posée. Ainsi, pour les quatre contrats de dix ans qui s’achèvent, l’avenir n’est pas assuré. Et s’agissant de sites majeurs de la Brenne, la situation est préoccupante.
Un des propriétaires, qui ne renouvellera pas la convention, souhaite boiser une partie du terrain et créer un étang sur le marais alcalin (ce qui ne sera pas autorisé par la DDAF). Dans un autre cas, la propriété a été vendue il y a deux ans, avec transmission du contrat au nouveau propriétaire sur la période restant à courir. Mais, au mépris des termes de la convention, celui-ci a entrepris des travaux sans en avertir le Parc. Il a notamment effectué un drainage ayant fait l’objet d’un procès-verbal par la DDAF ! Pour le troisième contrat, la personne est très âgée et la convention prolongée jusqu’en 2010 peut s’arrêter subitement en cas de succession. Enfin, pour le dernier site, le propriétaire est prêt à s’engager dans un contrat Natura 2000 mais il envisage de vendre à moyenne échéance.
Autant d’éléments qui montrent la fragilité des contrats signés. La question est donc posée : si l’on veut une sauvegarde durable, ne faut-il pas, sur les sites à enjeu majeur, envisager d’autres formes de mesures de conservation ?