>>> Aires marines protégées

Il s’agit aussi de négociation...

 

Espaces naturels n°13 - janvier 2006

Le Dossier

Guy-François Frisoni
Parc marin international des Bouches de Bunifaziu

 

La création et la gestion d’un espace protégé nécessitent une concertation permanente entre partenaires institutionnels, associatifs ou privés. Existe-t-il des méthodes éprouvées ? Qui est le mieux placé pour l’animer ? Qui est-il préférable d’associer à la démarche ? Chaque situation est un cas d’espèce, dépendant étroitement des enjeux, des milieux et des acteurs en présence.

Réunis à Chausey en septembre 2005, les membres du forum des Aires marines protégées ont analysé quelques expériences 1 de concertation récemment vécues en Méditerranée et en Atlantique : le Parc marin de la Côte Bleue, créé sur la base d’une concession de culture marine, puis étendu avec l’appui des professionnels du quartier maritime ; la Réserve naturelle de Scandola, l’une des premières Aires marines protégées (AMP) de Méditerranée, dont l’extension est envisagée ; l’île de Porquerolles, à quelques encablures du Parc national de Port-Cros, concernée par l’élaboration d’un document d’objectif (Natura 2000) ; l’archipel de Chausey où il s’agit, dans le cadre d’un Docob également, de proposer des mesures de protection et de gestion du site.
Susceptibles de déboucher sur la création d’une AMP, ces opérations ont toutes été initiées par des organismes publics. Il apparaît cependant que la concertation n’y est pas obligatoirement assurée par l’opérateur lui-même, et qu’elle peut être confiée à un partenaire local, reconnu et légitime (commune, groupement professionnel). Au cours des premières phases de la procédure, les administrations de tutelle se mettent parfois volontairement en retrait, laissant la parole et l’initiative au public. Il s’agit de faire remonter les besoins de la population, en prenant le temps d’expliquer et de comprendre, pour éviter le « parachutage » d’outils inadaptés « venus d’en haut », de l’Europe, de l’État ou du continent…
Des comités de pilotage, préfigurant souvent un futur conseil de gestion, éventuellement déclinés en groupes de travail thématiques où résidents, associations et professionnels sont représentés sans exclusive, permettent à chacun de s’exprimer, de discuter et de débattre. Des rencontres informelles et l’ouverture de dossiers en mairie offrant au public de s’informer ou d’émettre des avis sur la démarche engagée, s’avèrent particulièrement utiles pour préciser et prolonger les débats officiels tenus en réunions publiques.
Si la transparence est de mise au sein de ces différents « espaces de parole », la médiatisation reste généralement discrète voire inexistante, n’intervenant que dans un second temps, lorsque les partenaires se sont appropriés la démarche et qu’ils jugent nécessaire de la faire connaître.
Il est important que ces débats se nourrissent d’une analyse préalable du territoire (études faunistiques ou floristiques, enquêtes de fréquentation ou inventaire des enjeux pour le territoire). Si elle est pertinente et largement restituée, une telle analyse légitime la procédure et permet aux publics de s’y retrouver en échangeant sur des problématiques communes.
Enfin, la négociation, parce qu’il s’agit aussi de cela, ne peut s’engager sur des a priori, en particulier sur ceux de la protection ou de la réglementation à tout prix. On constate ainsi que les propositions de maîtrise d’usages ou d’intervention des pouvoirs publics, parfois souhaitées par les utilisateurs eux-mêmes, émergent spontanément pour régler tel conflit d’usage ou garantir la pérennité de telle ressource.
Privilégier la circulation de l’information au sein du territoire sans pour autant communiquer hâtivement « à l’extérieur », associer tous les partenaires locaux y compris les opposants potentiels, favoriser l’émergence des propositions émanant des usagers directement concernés et se garder de privilégier tel ou tel outil de gestion, accompagner plutôt que guider…, tous ces préalables contribuent à faire des partenaires de la concertation de véritables acteurs susceptibles de s’investir plus tard dans la gestion du site.

1. Présentées par Frédéric Bachet (Parc marin de la
Côte Bleue), Alain Barcelo (Parc national de Port-Cros), Stéphane Renard (Conservatoire du littoral) et François Arrighi (Parc naturel régional de Corse).