À maîtriser

Les étapes de la concertation

 

Espaces naturels n°13 - janvier 2006

Le Dossier

Philippe Barret
Geyser - Ingénieur agronome, médiateur et formateur

Première étape : bien identifier les temps/espaces de participation et les temps/espaces de décision. Construire ensemble des propositions est une chose, décider de les mettre en œuvre en est une autre. Parfois, la décision est prise par le groupe qui a élaboré les propositions ; souvent elle est prise à un autre niveau, par l’un des acteurs, par une assemblée d’élus, par l’État… En outre, certains processus voient se succéder plusieurs vagues de participation-décision (exemple de Natura 2000 : désignation des sites, adoption du Docob, signature de contrats). Tout ceci doit être clarifié le plus tôt possible, car chaque vague de participation appelle un dispositif spécifique.
Deuxième étape : construire l’architecture du dispositif. Pour nous, le cœur du dialogue, c’est bien la série de réunions qui doit permettre aux personnes et organisations concernées par une même problématique de partager leur expérience, d’exprimer leurs besoins, de se reconnaître mutuellement, puis de construire des solutions acceptables par tous. Ce cheminement va être vécu dans un ou plusieurs groupes de travail, qu’ils soient thématiques ou géographiques.
Ces différentes instances de dialogue, leurs objectifs, leurs règles de fonctionnement, la manière dont elles s’articulent entre elles et avec l’éventuel comité de pilotage constituent donc le cœur du dispositif. Mais deux ingrédients supplémentaires sont à considérer : la relation avec les experts et la relation avec le reste de la population. Concernant le premier point, il s’agit de voir comment les instances de dialogue vont être associées au diagnostic ou aux expertises complémentaires : les experts scientifiques ou techniques vont-ils réaliser leur travail et le soumettre aux instances ? Ces instances vont-elles définir le cahier des charges des études ? Ou vont-elles participer à la réalisation du diagnostic ?
Concernant le deuxième point, il est essentiel de faciliter des aller-retour entre les instances de dialogue et la population concernée ; c’est-à-dire des temps d’information (le groupe de travail fait savoir où il en est) et des temps de consultation (l’avis de la population est sollicité).
Troisième étape : dessiner une cartographie des acteurs concernés. Tout d’abord, établir la liste d’acteurs la plus exhaustive possible (on peut partir des groupes d’intérêt, puis repérer les organisations et les individus). Ensuite, placer tous les acteurs sur un diagramme qui permet de clarifier quel sera leur niveau d’implication dans le processus (tel acteur sera-t-il dans le comité de pilotage, dans les groupes de travail ou sera-t-il consulté, voire simplement informé ?). Plusieurs outils aident à effectuer ces choix, en s’appuyant notamment sur les notions de pouvoir, d’urgence, de légitimité.
Finalement, examiner plusieurs questions délicates concernant les futurs membres de l’instance de dialogue : comment s’assurer de leur représentativité par rapport à leur groupe d’intérêt ? Comment construire leur légitimité au sein de l’instance ? Comment faire participer les non-organisés ?
Au fil des trois étapes de montage d’un dispositif de dialogue territorial, nous avons cité plusieurs ingrédients que l’on retrouve dans la plupart des expériences. Ce qui varie d’une expérience à l’autre, c’est leur poids et leur place respectifs dans le dispositif. Ainsi le développement de la capacité d’adaptation de l’animateur est plus important que l’acquisition d’outils. Il faut retenir que le dialogue territorial est un processus vivant, susceptible d’évoluer rapidement, sous l’effet d’un événement ou d’une interaction entre acteurs. Des changements peuvent remettre en question, au moins partiellement, la stratégie initiale ; des changements ou bien l’échec relatif de telle ou telle modalité de concertation. L’animateur doit donc apprendre à élaborer des outils de suivi-évaluation du dispositif qu’il a mis en place, puis à redéfinir des éléments de ce dispositif.
Cette capacité d’adaptation de l’animateur concerne aussi la conduite-même d’une réunion. L’animateur doit mesurer en permanence la température du groupe, affiner la sensibilité des ses « antennes réceptrices » pour adapter son mode de conduite. Par exemple, il peut être amené à passer d’une conduite directive, qui marque clairement les étapes à franchir, à une conduite beaucoup plus légère centrée sur la reformulation-synthèse de ce qui est dit.
Bien sûr, l’acquisition de quelques outils est importante, au moins pour rassurer l’animateur, qui peut ainsi partir en animation avec sa fameuse boîte à outils. Mais l’animateur ne doit pas oublier que les outils sont au service du processus et non l’inverse !