« La neutralité n’existe pas »
Espaces naturels n°13 - janvier 2006
Catherine Luciani
Directrice du cadre de vie et de l’environnement Conseil général de l’Aude
Afin de concerter les acteurs de l’environnement de façon pérenne, le Conseil général de l’Aude a institué un Conseil consultatif de l’environnement et du cadre de vie. Catherine Luciani nous en dit plus…
Le Conseil consultatif de l’environnement et du cadre de vie… c’est une instance originale…
Depuis longtemps, nous collaborons avec les associations de protection ou d’éducation à l’environnement, les utilisateurs du milieu, les fédérations sportives, les chasseurs, les pêcheurs… Mais nous souhaitions donner à cette démarche une forme un peu institutionnelle. Nous avons opté pour la mise en place d’un lieu de concertation et d’échange sur des dossiers directement opérationnels. Le Conseil consultatif de l’environnement et du cadre de vie peut, soit s’auto-saisir de certains dossiers, soit nous le convoquons pour le consulter sur des politiques que nous menons. Les groupes de travail se réunissent au moins une fois par trimestre, plus souvent si besoin.
Vous parlez d’un travail en concertation avec les associations, on peut s’interroger sur le fondement de votre légitimité… Comment ça marche et, surtout, pourquoi ça marche ?
Comment ça marche ? Tout d’abord, il faut dire que les débats sont quelquefois houleux. Nous ne sommes pas toujours d’accord. Récemment, le débat le plus conflictuel a porté sur l’abattage des platanes le long des routes. Nous étions confrontés à une double logique : sécurité routière contre niche écologique. Nous avons réellement joué le jeu et réfléchi à des mesures alternatives. Tout cela pour dire que les choses ne sont ni simples, ni roses. Cependant, nous avons acquis une légitimité qui repose sur un travail antérieur de longue haleine. Nous nous intéressons à l’écologie et nous écoutons les associations depuis longtemps. Les responsables de la vie associative ont, clairement, le sentiment qu’ils ne parlent pas dans le vide et que leur parole peut être reprise dans les politiques publiques. En se dotant d’un outil formel nous avons gagné du temps car nous avons une instance identifiée et rapidement mobilisable. Aujourd’hui, ce lieu de débat est entré dans la culture locale.
Entre une concertation informelle et une instance pérenne, il y a un grand pas. Comment avez-vous conçu cette idée ?
Nous en ressentions le besoin. Il y a trois ans, nous avons donc passé l’été, le président de la commission Environnement et moi-même, à recevoir, une par une, toutes les associations. Nous voulions arrêter les contours de cette instance : quelles associations devaient en faire partie, lesquelles étaient légitimes, engagées, volontaires, pertinentes… ? Nous avons également arrêté le nombre de membres et les axes prioritaires de travail sur lesquels il convenait de s’engager. Ce travail d’élaboration a été mis en œuvre avec les acteurs.
Certains se sont sentis exclus ?
Certaines associations nous ont sollicités après coup. Ainsi, nous avions omis d’intégrer les associations de consommateurs par exemple. Cependant nous en avons refusé d’autres, notamment celles qui n’avaient pas de vision départementale. Par ailleurs, une instance ne peut fonctionner que si sa taille est raisonnable. Aujourd’hui, elle compte trente-huit membres, mais les choses ne sont pas figées. Nous pouvons toujours prendre une délibération modificative.
Diriez-vous que votre légitimité repose sur une certaine neutralité, notamment lors d’éventuels conflits entre acteurs ?
Je ne dirais pas cela. Je pense, au contraire, que nous menons des politiques précises, d’ailleurs très clairement affichées. Du reste, je ne crois pas que la neutralité existe. Ce qui est important, c’est la cohérence des discours et des politiques. Le CESCV est d’ailleurs un lieu où nous pouvons expliquer nos politiques. En fait, ce que nous voulons, c’est mener ces politiques de la manière la plus intelligente et la moins conflictuelle possible.
Mais je crois que les associations y trouvent aussi leur compte puisqu’elles apprennent à trouver des solutions partagées. C’est là-dessus, véritablement, que repose la vraie légitimité de cette instance : chacun apprend à se connaître, à se reconnaître. Le Conseil général devient un biais, une porte ouverte qui permet d’aborder les problèmes dans toute leur complexité humaine et sociale.
Recueillis par Moune Poli