L’enquête, étape préliminaire
Espaces naturels n°13 - janvier 2006
Erwan Hennequin
Cren Limousin
Mathieu Bonhomme
Cren Limousin
François Delaquaize
Cnasea
Souhaitant constituer un réseau d’agriculteurs gestionnaires de tourbières et de landes, le Cren Limousin a, en tout premier lieu, mené l’enquête.
Les landes à bruyères et les tourbières, milieux naturels em-blématiques du Limousin connaissent une forte régression qui risque de conduire à leur disparition. À l’origine de ce constat, deux causes principales :
l’abandon des pratiques traditionnelles d’élevage, voire de l’activité agricole, mais également l’enrésinement du plateau de Millevaches.
Pour revaloriser l’image de ces milieux, le Conservatoire régional des espaces naturels a souhaité développer un partenariat plus formel avec le monde agricole et, pour ce faire, animer un réseau d’agriculteurs, gestionnaires de tourbières et de landes.
Préalable à la constitution de ce réseau : la réalisation d’une enquête à caractère sociologique 1. Destinée à dresser un panorama de l’image de ces milieux par les agriculteurs, elle devait également permettre de connaître leurs pratiques et leurs attentes. Quelles utilisations ont-ils aujourd’hui de ces milieux ? Sont-ils sensibles à leur importance écologique ? Seraient-ils volontaires pour s’investir dans leur gestion et leur préservation ?
Une image contrastée
Ingénieure agronome en formation, et stagiaire du Cnasea 2, Vanig Aydabirian est allée à la rencontre d’un échantillon représentatif d’exploitants. Elle a ainsi interrogé quarante d’entre eux.
L’enquête a d’abord cherché à caractériser la représentation qu’avaient les exploitants de l’environnement, du paysage, des milieux naturels. Les agriculteurs ont ensuite été invités à s’exprimer sur les moyens de valoriser et préserver ces milieux, selon trois axes : économique (développement d’une plus-value à travers la valorisation des milieux : exemple d’une marque associée à ces derniers), social (mise en place d’une animation locale à travers un réseau d’exploitants gestionnaires), politique (pertinence des mesures agro-environnementales en rapport avec les landes et les tourbières).
Les deux tiers des agriculteurs interrogés se montrent enthousiastes à l’idée d’un réseau de gestionnaires, même s’ils assortissent leurs propos de conditions. En revanche, la globalité de l’enquête produit une image contrastée.
Aux yeux de la majorité des exploitants, la préservation de ces milieux passe par une valorisation économique des surfaces concernées. Cette valorisation peut s’orienter soit à travers les activités traditionnelles d’élevage, soit à travers la mise en place d’ateliers de diversification ; ce dernier aspect restant encore peu développé sur les zones enquêtées.
Les landes à bruyères, utilisées comme espaces
de parcours, ont une image de terrains peu valorisables sur le plan de l’engraissement des animaux mais sembleraient, au dire de certains éleveurs, avoir des effets bénéfiques sur le plan de la prophylaxie. L’image patrimoniale, reconnue, passe au second plan au regard de considérations économiques ; l’installation de jeunes exploitants ou le développement de l’exploitation nécessitent des surfaces complémentaires difficiles à obtenir dans un contexte de concurrence avec les boisements de résineux.
Les exploitants considèrent que le réseau doit se construire autour de personnes issues du territoire : la connaissance fine de ce dernier, de son évolution historique, des problèmes rencontrés est une condition essentielle pour s’assurer de l’adhésion des agriculteurs. Enfin, il doit permettre de fournir des conseils aux agriculteurs – via des réunions d’information et des actions de démonstration – sur la valorisation des milieux sur le plan agricole, et ne pas tout axer sur la préservation. Le Cren, s’il est reconnu pour ses compétences naturalistes, recueille néanmoins des avis partagés pour animer seul le réseau, du fait de reproches sur son manque de connaissance approfondie du monde agricole. Un partenariat avec les organismes agricoles semble donc nécessaire.
Ce travail d'enquête a joué un rôle important pour l'échange d'informations, donnant ainsi des bases communes de travail entre personnes de cultures différentes, gage de réussite des actions à mettre en place.
1. En réponse à un objectif important du plan d’actions régional landes et tourbières.
2. Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.