Le diagnostic territorial, première étape vers la prospective ?

 
Le Pays gapençais projette l’avenir à travers un diagnostic territorial

Espaces naturels n°25 - janvier 2009

Le Dossier

Vincent Briquel
Cemagref - Unité de recherche développement des territoires montagnards

 

Un diagnostic territorial permet de construire, ensemble, les représentations spatiales du territoire pour élaborer un projet qui dépasse les intérêts individuels et concrétise des choix collectivement assumés. Un tel exercice peut préparer une démarche de prospective territoriale. Mode d’emploi appliqué au Pays gapençais.

Pays gapençais, 2007. L’actualité territoriale, c’est le projet Diamont, conduit par le Cemagref dans le cadre d’un programme Interreg III espace alpin. Et si les langues vont bon train, c’est qu’il s’agit d’inventer l’avenir. L’exercice de diagnostic territorial est destiné à dégager avec les acteurs du Pays les conditions qu’il convient de respecter afin de répondre aux enjeux de durabilité de leur territoire. Et, bien sûr, de définir les exigences qui en découlent. Bref, de construire le futur à partir d’une vision de l’espace.
Ce diagnostic territorial s’est imposé comme une nécessité ; en effet, la charte du Pays gapençais, établie en 2005, insiste sur le fait d’améliorer la connaissance du patrimoine naturel du territoire. Elle souligne, aussi, le besoin de mener une réflexion transversale et concertée sur l’aménagement de l’espace de l’ensemble du Pays gapençais. Ceci afin de mieux valoriser ce patrimoine et de donner une traduction concrète à ses objectifs environnementaux.
Par ailleurs, la préparation en cours d’un schéma de cohérence territoriale (Scot) de l’aire gapençaise nécessite d’aborder la dimension spatiale des enjeux du développement socio-économique et environnemental. Il s’agit de définir les équilibres à respecter entre le développement urbain, l’exercice des activités agricoles, les autres fonctions économiques des espaces et la préservation de la qualité des sites et des paysages. Tout ceci en consignant les choix dans des documents graphiques, tout en recueillant l’adhésion des élus au schéma proposé.
La déclinaison des orientations en actions soulève alors la question des coopérations : devant certains enjeux, les communes ou les intercommunalités locales ne peuvent répondre sans travailler avec la ville-centre, à savoir Gap.

La démarche proposée par Diamont.
La pratique du diagnostic conduit à dépasser l’objectif premier de « porter à connaissance » pour dégager les principales questions que pose le développement d’un territoire. Usant d’indicateurs de durabilité (voir encart), Diamont visait à fournir aux décideurs locaux des méthodes leur permettant de mieux raisonner des actions à mener pour faire face aux enjeux.
Partant d’une perception de problèmes socioéconomiques, le travail a porté sur les oppositions, concurrences, complémentarités entre la ville-centre et la périphérie, sur la connectivité et accessibilité au centre… Les acteurs des territoires se sont questionnés sur la possible maîtrise des pressions sur l’espace à l’aide des outils d’aménagement mis en œuvre par les communes.
Deux ateliers de travail ont réuni des acteurs du Pays gapençais, en juillet et en novembre 2007. Il s’agissait de développer des échanges à partir d’éléments de diagnostic préparés par le Cemagref. La conduite des échanges s’est inspirée de la méthode dite « world café », qui vise à faciliter les discussions au sein de groupes d’acteurs plus ou moins nombreux afin de partager des connaissances ou dégager des pistes d’actions. Elle consiste à alterner des temps de discussion en petits groupes successifs sur des sujets définis et des temps de restitution et d’appropriation des résultats des discussions par l’ensemble des participants. Elle leur permet d’exprimer très librement leurs points de vue, en dehors de tout échange à caractère officiel. Elle peut ainsi faire apparaître des divergences d’opinions, révélatrices de la complexité des problèmes et de la difficulté à leur trouver des interprétations ou des solutions acceptables par tous. Lors des ateliers, cette méthode s’est avérée efficace pour confronter les analyses faites par le Cemagref au vécu et aux aspirations des acteurs locaux et pour débattre des enjeux de durabilité.
Une vingtaine de volontaires ont participé à chacun des ateliers. Sollicités par le comité de suivi du Pays gapençais, il s’agissait d’élus locaux, de responsables de services municipaux ou d’intercommunalités, de représentants de services de l’État, des milieux professionnels (chambres d’agriculture, comité d’expansion), d’associations, d’offices du tourisme, ainsi que de gestionnaires d’espaces naturels (Parc national des Écrins, zones Natura 2000). Cet échantillon relativement diversifié rassemblait ainsi des acteurs qui n’avaient pas nécessairement l’habitude de discuter ensemble, en particulier des représentants de la ville de Gap et ceux des intercommunalités. Le premier atelier a été consacré essentiellement à l’analyse des tensions qui se font jour au sein du Pays gapençais, le second aux façons d’y faire face.

Des conclusions. La première étape a permis par exemple de mettre en évidence les effets induits par la polarisation des emplois sur Gap. De même, elle a éclairé la prise en compte insuffisante des complémentarités fonctionnelles entre la ville-centre, sa périphérie et les espaces ruraux plus éloignés.
Mais elle a également fait ressortir que le Pays gapençais bénéficie de deux atouts liés : sa forte attractivité démographique, et la présence de deux richesses à valoriser, l’espace et le cadre de vie. En effet, l’attractivité de ce territoire tient à ses paysages ainsi qu’à son ambiance rurale, qui offrent un cadre de vie prisé et des espaces de récréation à la population tant résidente que saisonnière. On a pu en conclure que le développement du Pays gapençais est lié à sa capacité à pérenniser et à maîtriser l’accueil de la population et les activités économiques tout en ménageant l’espace et les paysages ; pour le bénéfice réciproque de Gap et du reste du territoire.
L’étape suivante a permis de poser des jalons en vue de développer des collaborations sectorielles territorialisées, des mutualisations de moyens ou des mises en réseau. Il a ainsi été évoqué la création d’une agence de réservation touristique travaillant avec le comité département du tourisme. Cette initiative devrait permettre de porter la promotion des différents opérateurs du tourisme, afin que l’ensemble du Pays gapençais puisse en bénéficier.

Les enjeux environnementaux. Certes le diagnostic s’est concentré avant tout sur le développement socio-économique du Pays gapençais. Cependant la réalisation de ce travail n’a pas manqué de toucher les enjeux environnementaux. Comment, en effet, établir un schéma de cohérence territoriale et dégager une vision partagée du développement, sans se fonder sur sa durabilité ?
Effectivement, les questions liées à la préservation de la biodiversité ou au développement de pratiques sportives de plein air n’ont pas été les plus mises en avant. Cependant les interrogations concernant la valorisation des potentialités forestières ou la consommation de foncier pour la résidence ou les activités économiques ont été au cœur des débats.
Pour exemple, on citera comment le rachat de parcelles à préserver dans les zones NAF (non aménagées et susceptible de l’être) a été évoqué. Ceci afin de les soustraire à une consommation d’espace. Le financement envisagé étant celui de la commune de Gap, avec l’aide de l’établissement public foncier régional.
Dès lors, un diagnostic de ce type peut préparer une démarche de prospective territoriale. En effet, il permet de dégager des visions partagées par divers acteurs du territoire susceptibles de déboucher sur un projet d’avenir construit en commun.

En savoir plus
« Éléments de démarche pour les diagnostics de territoire », V. Briquel, J.-J. Collicard, M.-P. Arlot, Ingénieries-EAT n° 52, décembre 2007, p. 61-64.