Biodiversité Réveillez-vous !

 

Espaces naturels n°9 - janvier 2005

Édito

Yvon le Maho
Membre du comité de la conférence scientifique internationale “biodiversité : science et gouvernance”. Directeur de recherche au Cnrs. Membre de l’Académie des sciences.

A Johannesburg, le 2 septembre 2002, se tenait le Sommet mondial du développement durable. Le président de la République déclarait que la France devait prendre des initiatives pour stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement durable.
La conférence internationale « Biodiversité : science et gouvernance » qui se tiendra à Paris du 24 au 28 janvier 2005 est une expression concrète de cette volonté.
En effet, sans préservation de la biodiversité, il ne peut y avoir de développement durable. Or, pour préserver la biodiversité, un enjeu majeur est de connaître la capacité des organismes vivants, dont beaucoup constituent nos ressources alimentaires, à faire face aux changements induits par les activités humaines, directement (dégradation et fragmentation des milieux naturels, surexploitation des ressources…) ou indirectement (changements climatiques…).
Voilà qui suppose l’essor d’une écologie fonctionnelle se situant dans une perspective évolutive, et nécessitant tous les outils des sciences de la vie ; notamment ceux de la biologie cellulaire et moléculaire. Cela requiert aussi des interfaces avec les sciences de l’ingénieur, la chimie, les sciences de l’univers… Il ne faut pas, cependant, se faire d’illusions : de sérieux obstacles se dressent au sein de la communauté scientifique où, actuellement, lobbying et mode scientifique se conjuguent pour empêcher cet essor de l’écologie. Essor sans lequel, pourtant, l’appel de Monsieur Jacques Chirac restera un vœu pieux. Aujourd’hui, l’essentiel des moyens de recherche sur l’environnement porte sur ses aspects physico-chimiques (climat, atmosphère…), le vivant ne constituant généralement que l’alibi ou le décor et n’apparaissant, le plus souvent, qu’à travers des cycles biogéochimiques. Quant à la majorité de la communauté scientifique de biologie cellulaire et moléculaire, elle est, de son côté, très focalisée sur des aspects biomédicaux ou biotechnologiques très éloignés de la biodiversité, ce qui est paradoxal puisque celle-ci constitue une formidable source d’informations dans ce domaine. Ce clivage entre communautés scientifiques, soit parce que certaines ont verrouillé un « secteur » de l’environnement, soit parce que d’autres s’en désintéressent, est d’autant plus dommageable que, jusqu’à présent, on n’a fait qu’effleurer quelques-uns des mécanismes adaptatifs des végétaux et des animaux aux conditions environnementales.
C’est pourtant là une formidable source de molécules d’intérêt biomédical ou biotechnologique. La conférence sur la biodiversité est l’occasion de montrer l’importance et l’urgence de ces enjeux.

>>> yvon.lemaho@c-strasbourg.fr