Natura 2000

En mer, l’applications’avère difficile

 

Espaces naturels n°9 - janvier 2005

Le Dossier

Sébastien Mabile
Docteur en droit – Consultant

Affirmer qu’un réseau écologique européen cohérent doit s’étendre indifféremment aux zones terrestres et marines semble relever d’une lapalissade. Hélas, la mer reste un milieu bien particulier d’un point de vue juridique et les instruments élaborés initialement dans une optique résolument terrestre tels que la directive Habitats se révèlent difficilement applicables. Au niveau national, la mise en œuvre d’une approche contractuelle constitue l’obstacle principal. Au niveau européen, l’extension du champ d’application de
la directive au-delà de la mer territoriale soulève
d’importantes difficultés.
En ce qui concerne la gestion, l’approche contractuelle privilégiée par la France s’adapte mal aux spécificités du milieu marin. En effet, la notion de domaine public maritime qui le caractérise s’oppose à toute constitution de droits réels et personnels, droits sur lesquels se fonde la contractualisation.
En matière de pêche, la non-patrimonialisation des ressources marines ne permet pas davantage d’identifier des cocontractants potentiels titulaires de droits réels et personnels liés à l’utilisation d’un territoire. Toute occupation est alors forcément précaire et révocable. Même l’antériorité ne suffit pas à créer de droits. Les propriétaires de certaines paillotes du littoral en savent quelque chose.
Les opérateurs de sites marins sont alors confrontés à l’impossibilité de proposer des solutions contractuelles aux usagers afin de rendre compatible leur activité avec les dispositions de la directive (l’orientation nationale consiste à valoriser ces territoires et leur mode d’occupation).
Au-delà de la mer territoriale, la situation se complique davantage. La Commission estime que les États sont tenus de désigner des sites Natura 2000 jusqu’à la limite de 200 milles, notamment de manière à assurer la conservation des écosystèmes récifaux d’eaux froides situés en marge du plateau continental. Or, les États ne disposent d’aucune compétence en matière de pêche au-delà de douze milles. 
En ce qui concerne la seconde source potentielle d’impacts, le transport maritime, les États doivent s’en référer à l’Organisation maritime internationale. En revanche, ils sont tenus à une obligation de résultat en matière de conservation… sans même disposer des moyens juridiques pour y parvenir !