Pêche et protection de l’environnement, des intérêts communs

 

Espaces naturels n°9 - janvier 2005

Le Dossier

Philippe Le Niliot
Mission parc marin d’Iroise
Frédéric Bachet
Parc marin de la Côte bleue
 

La pêche maritime est une activité économique qui a d’importantes interactions avec le milieu naturel marin. Cela tient principalement au fait que les pêcheurs exploitent une ressource produite par l’environnement naturel. Les ressources marines sont ainsi totalement tributaires de la qualité des écosystèmes dont elles font partie. De fait, leur disponibilité est liée à l’état de l’environnement et peut être accrue par sa conservation. Par ailleurs, la pêche côtière joue un rôle particulier dans les régions littorales. Dans un contexte de bonne gestion, elle peut constituer une activité durable reposant sur une ressource renouvelable qui permet de maintenir le tissu social et culturel, de contribuer à l’économie locale sans avoir d’incidence néfaste notable sur l’environnement. Elle peut aussi avoir un effet structurant en proposant une alternative à l’évolution vers le « tout tourisme » des fragiles économies littorales et insulaires.
Il existe donc un terrain et un intérêt communs entre la protection de l’environnement marin et l’exploitation des ressources halieutiques. Toute action de protection de l’environnement marin contribue directement ou indirectement à la protection des ressources et à leur renouvellement. Toutefois, des espèces marines commerciales peuvent faire l’objet de surexploitation amenant les stocks à un niveau si bas que leur restauration est presque impossible. Certains engins de pêche peuvent altérer les habitats en modifiant ou déstructurant le substrat sur lequel ils sont utilisés. Des prélèvements trop importants de poissons d’un stock particulier sont susceptibles d’avoir des répercussions complexes sur les équilibres entre prédateurs, concurrents ou proies.
Ainsi, les Aires marines protégées et les pêcheries sont souvent indissociables ! Les AMP doivent veiller à une exploitation raisonnée de la ressource halieutique pour garantir le maintien en bon état des biocénoses marines et la conservation de la biodiversité marine. Ce faisant, elles jouent un rôle économique de production pérenne de ressources.
Cette vocation des Aires marines protégées est reconnue au niveau international par l’IUCN qui considère qu’elles doivent permettre la protection, la conservation, mais aussi l’utilisation prudente des ressources (résolution 17-38). De la même façon, les instances en charge de la gestion des ressources marines exploitées, au premier rang desquelles la Commission européenne (dont c’est une compétence exclusive), s’intéressent de plus en plus à la protection de l’environnement. C’est dans le but d’intégrer les exigences de la protection de l’environnement marin que la Commission souhaite modifier profondément la politique commune des pêches.
On observe donc un rapprochement des structures se préoccupant de protection de l’environnement naturel et de gestion des pêches. C’est dans les AMP que peut s’effectuer leur rencontre ! Cette évolution se traduit par le fait que la gestion des pêches dans les Aires marines protégées ne s’entend plus uniquement qu’en termes d’interdiction. Cette nouvelle approche intègre la protection de l’environnement dans la gestion des pêches et vice versa. L’interdiction devient alors un outil de conservation de la biodiversité et de gestion des pêches.
Cette gestion « intégrée » correspond à un réel besoin. C’est aussi une opportunité pour créer de nouvelles AMP et développer une approche moderne des espaces protégés. Ils pourront ainsi devenir des lieux dans lesquels des modes de développement différents des activités de pêche seront expérimentés, financés et évalués.