Parc naturel marin d’Iroise

De la cartographie des champs d’algues à la régulation de conflits d’usages

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

Aménagement - Gouvernance

Philippe Le Niliot
Parc naturel marin de la mer d’Iroise

 

L’approche scientifique peut révéler des résultats surprenants : ouvrir le dialogue en s’appuyant sur un référent objectif qui gomme la suprématie d’un des acteurs.

Depuis près de deux ans, le Parc naturel marin d’Iroise élabore une cartographie des habitats de l’archipel de Molène et des abords de l’île d’Ouessant. Le plus important champ de laminaires des côtes de France s’étend là, sur les larges plateaux rocheux sous-marins propices à leur croissance. D’immenses forêts, caractéristiques des eaux froides, abritent une biodiversité exceptionnelle. Elles constituent des entités naturelles remarquables, caractéristiques des eaux froides, indispensables à préserver comme ceux des récifs coralliens et des mangroves.
C’est aussi une ressource très importante pour les goémoniers, qui exploitent ici 70 % de la production française d’algues marines !

Impact. Depuis quelques années, on constate une fluctuation inter-annuelle forte des stocks sur ces lieux de pêche traditionnelle, dont certains sont exploités depuis 170 ans.
Évolutions naturelles, modifications liées aux modes d’exploitation ou à l’effort de pêche ? Efficacement cachées sous la surface, les Laminaria digitata conservent leurs mystères : les stocks de l’archipel de Molène et la surface couverte par ces forêts sous-marines reste une inconnue.

Cartographier. La question de la cartographie de ces habitats a donc été posée, dès la mise en place du parc naturel marin, à la fois dans un souci de conservation de cet écosystème remarquable mais aussi d’exploitation durable dans le périmètre d’une aire marine protégée.
Ainsi, l’Agence des aires marines protégées, le Shom et l’Ifremer se sont regroupés afin de mettre en œuvre les techniques modernes de l’océanographie côtière.
Mais, outre les goémoniers, l’évaluation fine de ces ressources intéresse de nombreux autres acteurs du monde maritime (plaisanciers, plongeurs, marins pêcheurs…). Tous sont préoccupés par la protection et la gestion de ces écosystèmes dont les fonctions de nourriceries et de frayères sont avérées de longue date. Les différentes communautés cependant ne se croisaient que rarement et étaient régulièrement confrontées à des conflits d’usages liés au mode d’exploitation des algues et à l’importance de l’effort de pêche.

Gouvernance. Contre toute attente, les travaux scientifiques vont engendrer des effets sur la gouvernance du parc naturel marin. Alors que, jusque-là, seuls les goémoniers possédaient une vision globale des grands champs d’algues brunes qu’ils exploitent de la pointe de Bretagne. La cartographie des habitats marins et de ses ressources va fournir des éléments objectifs quant à l’état de cet environnement et son évolution. Lors de réunions, actuellement en cours, on constate que le niveau d’échange a évolué : la mise à plat des données a amené l’ensemble des acteurs au même niveau de connaissance.
Certes, le processus est en cours, mais les gestionnaires constatent qu’il devient possible d’envisager collectivement les conditions d’une exploitation durable de ces champs d’algues. La discussion est désormais ouverte et la cartographie a permis de gommer la suprématie de l’un des acteurs sur les autres.

Sous conditions. Un certain nombre de conditions doivent cependant être respectées pour garantir la confiance dans les résultats obtenus : l’association des acteurs, à chacune des étapes d’élaboration de la carte mais aussi leur information régulière sur de la progression des travaux, sont indispensables. Pour cela, le conseil de gestion du parc naturel marin qui réunit l’ensemble de ces acteurs est extrêmement précieux. Il permet d’élaborer des diagnostics partagés et de fixer des objectifs communs quant à l’avenir de ces écosystèmes de valeur mais encore largement méconnus.