Faune sans frontière

 
Trente-cinq jours en mer celtique pour compter les cétacés

Espaces naturels n°23 - juillet 2008

Le Dossier

Philippe Le Niliot
Parc naturel marin d’Iroise Observateur des programmes Scans I et II

 

Aucune population de cétacés n’est inféodée aux frontières d’un pays. Aussi, lorsqu’il s’agit de déterminer l’état des populations de mammifères marins, seule une coopération internationale peut être envisagée. Un nouveau programme européen de comptage des cétacés dans les eaux européennes est donc engagé. C’est le deuxième programme de ce type : il s’appelle Scans II (Small cetacean abundance in the North sea).
Emer Rogan (chercheuse à l’université de Cork et spécialiste de la dynamique des populations de cétacés) est chef de cette mission qui rassemble, sur un navire océanographique néerlandais (le Zirfaea), deux Français, une Suédoise, deux Espagnoles, une Portugaise, un Anglais et deux ornithologues néerlandais. Avec elle, j’ai participé au premier Scans. C’était, il y a onze ans et nous n’en menions pas large sur les possibilités d’arriver à un résultat probant tant la méthode et le matériel utilisé restaient artisanaux.
Aujourd’hui, nous partons pour trente-cinq jours de mer où tous ces observateurs expérimentés vont devoir compter. Pour ce qui nous concerne, nous devons parcourir 3 000 milles sur le plateau de la mer Celtique, pour recenser, déterminer, et remplir les bases de données qui serviront aux équipes britanniques pour calculer des index d’abondance espèce par espèce.
Nous ne sommes pas les seuls… sept navires et trois avions (mis à disposition par les pays participants au programme) vont couvrir au même moment quelque 1,3 million de km2 pour 10 000 milles nautiques de transects (de la Suède à l’ouest de l’Irlande, et des côtes norvégiennes à Gibraltar en passant par les Shetlands et les Orcades).
Dans un concert d’accents anglais, les observations sont accumulées, du lever au coucher du soleil, ne s’arrêtant que si le mauvais temps nous y contraint. Les autres navires et les avions font de même, au même moment, avec le même protocole.
Les résultats nous ont été communiqués un an plus tard à Édimbourg, en Écosse, par Phil Hammond. Il a estimé à 380 000 individus les populations des marsouins. Peu de différences, en termes d’effectifs avec les observations d’il y a dix ans ; sauf que les populations semblent s’être déplacées vers le sud ; ce qui est surprenant compte tenu des changements globaux. L’autre résultat important est la relative stabilité dans les effectifs européens de dauphins communs (26 000 individus), de grands dauphins (12 000) et de petits rorquals (18 000).
Espérons que ce bel exemple de coopération internationale pourra être régulièrement reconduit pour connaître l’évolution de ces magnifiques animaux… sans frontières.