Quelques clés pour une coopération réussie
Espaces naturels n°23 - juillet 2008
Jean Jalbert
Tour du Valat
Fabrice Bernard
Conservatoire du littoral
Marc Maury
Conservatoire des espaces naturels
La coopération internationale se concrétise essentiellement via des projets financés par des bailleurs institutionnels. Cependant, les attentes des bénéficiaires du projet ne correspondent pas forcément à ceux du bailleur. Dès lors, comment réussir ?
Small is beautiful ? L’efficience d’un projet est inversement proportionnelle à sa taille : plus il est petit et limité à une dimension technique, meilleur est son rapport coût/efficacité. Doit-on, dès lors, faire l’apologie du « small is beautiful » ? Probablement pas. Si ces projets ont une forte efficacité immédiate, leurs bénéfices sont généralement très fugaces : faute de portage, d’institutionnalisation. Soit. Privilégions donc l’appropriation par les autorités, par la population, assurons la durabilité de l’action. Ce changement de paradigme qui date des années 90 fonde la « gestion intégrée ». Concept séduisant, mais pas si simple… il suppose de gérer la complexité et d’aborder de manière transdisciplinaire les champs biologiques, sociaux, économiques et politiques.
Le temps et la montre. La sagesse populaire africaine dit que les Européens ont la montre, alors que les Africains ont le temps. Ce dicton peut s’appliquer au rapport entre les bailleurs et la réalité d’un projet de coopération. Les bailleurs institutionnels fondent leur action sur le postulat que leur apport, limité dans le temps (3 à 5 ans), doit permettre de structurer l’organisation, de catalyser une dynamique durable et autonome. En bref, amorcer un système. La réalité est que, très souvent, le temps du projet est différent, mouvant. Il tient à l’alchimie subtile entre les champs concernés et aux tensions, oppositions ou alliances que cela peut générer. Le processus n’est pas linéaire. La discussion et la négociation peuvent paraître concurrentes de l’action ; elles en sont seulement le préalable, la respiration.
La participation, arme à double tranchant.
L’appropriation par les populations locales de modes de gestion promus par le projet est un élément clé de la durabilité et de l’efficacité. À cette fin, les approches participatives constituent un outil puissant. Mais, trop souvent faute de temps, de ressources, ou de planification adéquate, cette phase participative ne va guère au-delà de l’expression des besoins, au mieux de quelques réponses concrètes de portée limitée. Les principales attentes exprimées sont souvent déçues, sources de frustration et de résistance accrue au changement. D’un atout on a fait un obstacle.
Quelques règles d’or. Si les difficultés sont nombreuses, elles peuvent être surmontées par le soin apporté à l’élaboration du projet. 80 % de sa réussite se joue en amont de la mise en œuvre. Il s’agit en particulier de :
• Positionner clairement l’initiative à l’origine du projet dans son contexte politique, socio-économique, culturel, environnemental.
• Partager les diagnostics initiaux et les objectifs du projet entre coopérants.
• Déterminer l’échelle d’intervention pertinente. Ce n’est généralement pas un territoire normé, mais un espace qui prend en compte l’échelle à laquelle le problème se pose, les limites de l’écosystème considéré, les aires d’influences et les limites administratives.
• Identifier les acteurs clés à impliquer et les dispositifs d’animation et de médiation les plus adaptés.
• Envisager la durée réaliste du projet, souvent à moyen ou long terme ; au-delà de l’intervention d’un bailleur. Il faut pour cela dessiner les étapes successives susceptibles de faire appel à divers bailleurs ; prendre en compte en particulier la progression des bailleurs privés – mécènes, fondations d’entreprise – qui peuvent apporter un complément précieux aux bailleurs institutionnels, et un autre regard !
• Enfin, il faut également résister à la pression des bailleurs conditionnant leur apport à une trop forte ambition du projet, souvent démesurée au regard des capacités de résolution des problématiques concernées, du temps et des ressources disponibles.
• Et, toujours, entretenir une relation directe, personnelle, positive, avec les acteurs clés du projet.
Une coopération se conçoit dans une démarche gagnant/gagnant, où l’échange et la reconnaissance réciproque priment sur toute approche « conquérante ».